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La légitimité contestée du régulateur des noms de domaine

Depuis novembre, l’Icann, l’organisme qui contrôle l’attribution de suffixes de type ” .com “, essuie une vague de critiques sans précédent. Colère excessive ou contestation légitime ?

Dans l’enceinte feutrée du Congrès américain, un homme se lève, furieux. “ Il semble que le processus de désignation du Pape soit moins mystérieux que celui de l’Icann “, s’exclame-t-il. Sans le savoir, sans le vouloir, peut-être, il vient de relancer la controverse. Celui qui jette l’anathème n’est autre qu’Ed Markey, un parlementaire démocrate chargé, avec d’autres, d’évaluer le fonctionnement de l’Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers).De fait, cet organisme, créé à l’initiative du Département du commerce américain, et censé attribuer les ” terminaisons ” des noms de domaines internet, n’aura guère brillé par sa transparence. Ainsi, en novembre dernier, lorsqu’il avalise sept nouveaux suffixes, la communauté industrielle et financière est persuadée que la relative anarchie qui prévalait jusqu’alors touche à sa fin. Et que l’Icann, qui se positionne comme l’arbitre des préséances sur le web, aura à c?”ur d’obtenir, pour chaque protagoniste, un traitement à tout le moins équitable. En fait, c’est une véritable pax americana qui s’instaure : les sept noms adoptés sont tous à consonance anglo-saxonne. Plus grave aux yeux de leurs contempteurs, tous ont un rapport, direct ou indirect, avec le business.Du coup, tous les espoirs mis dans un internet ” alternatif ” s’effondrent. La levée de bouclier est immédiate… Ainsi l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), déçue de ne pas voir retenue son extension ” .health “, se déclare ” frustrée par cette décision “, et prête à examiner ” toutes les voies de recours “. Vinton Cerf, qui passe pour être l’inventeur d’internet et siège, à ce titre, au comité directeur de l’Icann, fait part de son trouble devant ce qu’il considère comme une dérive mercantile du système. Il explique , sans scrupule, qu’il a l’impression ” de se trouver dans une boîte de capital-risque “.

La prolifération des suffixes

Mais les choses évoluent doucement, avec ou sans l’Icann. Ainsi la société New.net propose, depuis le 5 mars, d’enregistrer de noms nouveaux noms de domaines se terminant par ” .kids “, ” .sport ” ou encore ” .xxx “. Il en coûte 25 dollars (plus de 28 euros) par an au candidat à l’enregistrement. Certes, ce n’est pas la première fois que le monopole de l’Icann est écorné. Alternic et Opennic s’y sont cassé les dents, faute d’un soutien suffisant de la part des fournisseurs d’accès à internet. Mais cette fois, la cause est plus sérieuse. Grâce à l’appui de prestataires techniques aussi établis qu’Exciteathome et Earthlink, New.net a déjà un potentiel d’utilisateurs évalué à 16 millions.Mais attention, “il ne faudrait pas que la distribution des suffixes se multiplie, avertit l’analyste financier Andreï Kobzar. La prolifération des suffixes va inciter beaucoup de sociétés à déposer des noms de domaines, simplement pour pouvoir le revendre très cher le moment venu. Et les petites entreprises, ou les particuliers, qui ne se seront pas rués sur ce pactole, feront les frais de cette situation. ” Autant dire que s’affranchir de l’Icann n’est peut-être pas la panacée pour se frayer davantage de liberté sur le net. L’atomisation des suffixes peut-elle déboucher, selon l’expression de Vinton Cerf, sur une balkanisation du cybermonde ?

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Pierre-Antoine Merlin