C’est un peu une redite de
l’arrêt Nikon d’octobre 2001. Début août 1999, un dessinateur de la société Nycomed Amersham Medical System (aujourd’hui CathNet-Science), spécialisée dans le matériel et les
accessoires médicaux, était licencié pour faute grave. Motif : l’employeur avait trouvé sur son ordinateur un dossier personnel contenant des documents sans aucun rapport avec son travail. Une fouille motivée par la découverte de photos
érotiques dans le tiroir du bureau de ce même employé, absent à ce moment-là.L’affaire va aux prud’hommes. Et en appel, la validité du licenciement est confirmée. Mais le 17 mai dernier, la cour de Cassation a cassé cette décision. L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Versailles où il sera
décidé du sort du salarié, réintégration ou indemnités, puisqu’il y a eu licenciement sans cause réelle et sérieuse.Dans l’affaire Nikon, un salarié avait lui aussi été licencié pour faute grave parce qu’il exerçait une activité parallèle avec les outils informatiques fournis par son entreprise. L’employeur s’en était aperçu en consultant des
documents étiquetés ‘ personnels ‘ sur le poste du salarié. Au final, la cour de Cassation avait annulé la validation en appel du licenciement.Dans les deux cas, une même chose est en jeu : le droit du salarié à une vie, à une sphère privée, même au sein d’une entreprise. Cette sphère privée était d’autant moins difficile à circonscrire que les documents ayant servi à
licencier les deux salariés se trouvaient dans des fichiers et des dossiers intitulés ‘ personnel ‘.
Une situation inconfortable pour l’employeur
En ce qui concerne le cas Nycomed Amersham Medical System, le jugement en appel date de novembre 2002, plus d’un an après l’arrêt Nikon. ‘ On aurait pu s’attendre à ce que la cour d’appel suive cet
arrêt, estime Benoît Tabaka, juriste au Forum des droits sur l’Internet. C’est un peu un coup pour rien. ‘ Au moins, la juridiction suprême a clarifié un autre élément. Que, pour se permettre d’aller
ouvrir des documents dits ‘ personnels ‘ d’un salarié, l’employeur doit avertir ce dernier ou le faire en sa présence. Ou alors il faut qu’il y ait un ‘ risque ou événement
particulier ‘. Selon la cour de Cassation, il n’y en avait pas dans l’affaire Nycomed Amersham Medical System.‘ Il n’existe pas du tout de définition du risque ou de l’événement particulier, note Benoît Tabaka. C’est laissé à l’appréciation des juges au cas par cas. ‘ Exemple,
selon Sandrine Rouja, juriste et rédactrice en chef du site Juriscom.net :
‘ Si le salarié stocke, sur le disque dur de son ordinateur, des fichiers constitués à partir d’Internet, il pourrait ainsi télécharger des
virus qui mettraient en danger la sécurité des réseaux informatiques de l’entreprise. ‘ Or, rien n’indiquait une telle menace pour Nycomed Amersham Medical System.Mais cette affaire est somme toute révélatrice d’une situation assez inconfortable pour les employeurs. D’un côté, ils sont tenus de respecter la vie privée de leurs équipes sur le lieu de travail (pas d’intrusion sur le disque dur,
secret des correspondances, électroniques comme papier), mais de l’autre, ils peuvent être poursuivis en justice en cas d’activité illégale d’un salarié à partir de l’entreprise. C’est ce qui arrivé à
Lucent Technologies en juin 2003. Le tribunal de grande instance de Marseille a estimé que la société était responsable de l’utilisation détournée qu’avait faite d’Internet lun de
ses employés à partir de son bureau.
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