A nouvelle économie, nouvelle guerre ? C’est la question que pose François-Bernard Huyghe dans son ouvrage intitulé l’Ennemi à l’ère numérique. Question originale, car les réflexions sur la guerre sont rares. Et qui plus est, elles sont largement biaisées par le politiquement correct. En effet, comme le souligne l’auteur en s’appuyant sur une citation d’Alain Joxe, les théories militaires actuelles, ce que les Américains appellent la RMA (Revolution in Military Affairs), refusent l’idée du rapport de force ou de la volonté de conquête pour n’admettre que l’existence de révoltes légitimes d’opprimés.Or les conflits ne se réduisent pas à une sorte de lutte des classes planétaires : l’actualité le montre. L’Occident voit se lever contre lui des combattants qui ne lui reprochent pas sa richesse mais son impiété. Dans ce contexte, les nouvelles technologies de l’information et de la communication sont utilisées comme les armes anciennes avec l’objectif de détruire et de subjuguer.Leur apparition n’a pas modifié le but des conquérants qui reste de contrôler des territoires en y imposant leur volonté. En revanche, elle a accru le rôle des espions et des manipulateurs. À lire le livre, on sent que la ” cinquième colonne ” est en passe de devenir la première… La véritable rupture par rapport au passé, c’est l’émergence d’une capacité de nuisance forte pour un prix faible. Le coût de l’artillerie avait conduit à la réduction du nombre d’armées et fait de la guerre une affaire strictement étatique. Aujourd’hui, un calomniateur hardi, un hackeur astucieux peuvent ébranler des États, fragiliser des gouvernements, déstabiliser des Bourses. Si l’on peut reprocher au livre de considérer un peu hâtivement que l’affrontement physique est en partie révolu ?” on annonce depuis 200 ans la disparition de la baïonnette?”, le sujet abordé et la manière intelligente de le faire en font un livre à lire.
* Professeur à l’ESCP-EAP
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