“ Vous faites partie des 500 000 joueurs sélectionnés pour livrer la plus grande bataille jamais orchestrée dans l’univers du jeu. Une compétition unique et mondiale, où vous devrez camper une des trois armées. Deux Japonaises et une Américaine. L’objectif : conquérir la première place du jeu sur console.” Ce pourrait être la réplique ludique de la guerre que s’apprêtent à livrer Sony, Nintendo et Microsoft.Jusqu’au printemps prochain, le terrain des hostilités se cantonnera au sol nord-américain. Le plus gros du magot y est caché : l’an passé, il pesait 6,3 milliards de dollars (7 milliards d’euros, soit 35,7 % du chiffre d’affaires mondial issu de la vente de logiciels de loisir(1)). Il est donc capital de prendre position au plus vite pour empocher tout ou partie des recettes de l’édition de jeux estimée à plus de 85 milliards de dollars d’ici à cinq ans(2). Parti à l’automne 2000, Sony dispose déjà d’une confortable avance avec la Playstation 2 (PS2), installée dans huit millions et demi de foyers américains. Le catalogue de jeux dépasse les trois cents titres et compte quelques hits comme Gran Turismo. Outre-Atlantique, l’objectif du chef d’escadron, Kazuo Hirai, est d’atteindre une base installée proche de 10 millions de machines à la fin mars 2002. Aujourd’hui, la PS2 s’est vendue à 20 millions d’exemplaires à travers la planète, au moment où Microsoft et Nintendo entrent à peine dans la guerre des consoles ” next-generation “.
La course à l’implantation
La X-box, d’abord. Elle pâtit d’un catalogue réduit à une vingtaine de jeux pour son lancement, même si elle reste indiscutablement la plus performante. C’est la première incursion sur ce terrain du géant de Redmond, qui risque d’y perdre beaucoup d’argent. Les estimations des coûts de production de la X-box oscillent, selon les sources, de 400 à 425 dollars l’unité. Avec un prix public de 300 dollars, chaque machine vendue est un coût. Selon la ban-que Morgan Stanley, d’ici à 2004, l’Américain perdra 1 milliard de dollars dans cette course à l’implantation. Pour Nintendo, c’est lundi 18 novembre, trois jours après la X-box, que la Gamecube gagnera les rayonnages.
La conquête des adultes
La console se veut plus modeste dans ses capacités techniques avec un catalogue limité à 8 titres à son lancement. Son public ? Des enfants et des adolescents en priorité, même si le soutien d’éditeurs de jeux ” adultes ” peut créer des surprises. Notamment, Capcom (dixième éditeur mondial, selon Merrill Lynch), qui éditera en exclusivité pour Nintendo le dernier volet de la saga des Resident Evil, Survival Horror (jeu qui mélange action et aventure) vendu à plus de 4 millions d’exemplaires. Pour le fabricant de Kyoto, les coûts de production sont communément estimés à 275 dollars, alors qu’il propose sa machine à seulement 199 dollars. Mais l’implan-tation reste le nerf de cette guerre. Notamment pour les économies d’échelle, qui ne s’opèrent qu’à partir d’une certaine masse critique. Sur ce point, l’Américain est bien placé puisqu’il emprunte des composants du monde informatique (processeur Intel, carte graphique Nvidia), amortis sur les ventes de PC.Mais les trois protagonistes doivent compter sur leurs ressources financières pour rester dans une compétition où le poste marketing se veut toujours plus gourmand. Un demi-milliard de dollars pour la X-box, plusieurs milliards pour la Playstation. Microsoft dispose de 13,9 milliards de dollars de trésorerie immédiatement disponible. Pour Sony, impossible de l’évaluer. En revanche, son activité liée à la Playstation a été profitable au dernier trimestre 2001. Nintendo a, de son côté, dégagé 3,8 milliards de dollars de chiffre d’affaires et un profit de 705,6 millions sur son dernier exercice. Il jouit d’une situation de monopole sur le marché de la console portable, avec les multiples déclinaisons de la Game Boy. Un trésor de guerre sur lequel il compte.
Des gains sur la copie
Les autres aimeraient pouvoir s’appuyer sur une telle base, car la seule ressource des fabricants de consoles reste encore la production de copies de jeu. Si le fabricant ne gagne pas d’argent sur la vente de sa console la première année, et rarement la seconde, il en gagne immédiatement sur les jeux produits pour sa machine. “ Le modèle économique dans la console est le même que celui de Gillette“, confie un éditeur. En l’espèce, une fois le jeu développé, l’éditeur envoie l’original aux usines de production des Sony et autres Nintendo, qui facturent environ 10 dollars la production unitaire des copies. À Sony et consorts de prendre leurs marges. Pour des jeux qui franchissent le million d’exemplaires, on imagine aisément le gain pour le fabricant. L’équation économique de Sony comme de Microsoft s’appuie essentiellement sur ce système. Nintendo, lui, invente et produit 50 à 70 % de ses logiciels. Reste que Sony s’est attiré la fidélité de 400 éditeurs. Microsoft celle d’une centaine, confiants dans le planning d’implantation que le nouveau venu s’est fixé : de 4,5 à 6 millions de consoles d’ici au 30 juin prochain. Les joueurs et les éditeurs devront choisir le bon cheval, Sega et sa console Dreamcast leur ayant laissé un mauvais souvenir…
(1) Selon Screen Digest, Industry Sources.
(2) Selon Informa Media Group.
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