‘ Délinquance en col blanc ‘. C’est ainsi que la CGT résume une affaire qui a démarré formellement début avril 2003. A cette date, la CGT Sud-Est demande une enquête à l’inspection du travail du Rhône
pour discrimination syndicale chez NextiraOne Sud-Est, un ancien intégrateur réseaux d’Alcatel vendu un an plus tôt au groupe américain Platinum Equity. Motif : la direction de NextiraOne Sud-Est aurait loué les services d’un cabinet de
consultants pour en finir avec la CGT ?” ou du moins neutraliser le syndicat ?” au sein de l’entreprise.La CGT NextiraOne Sud-Est a annoncé hier qu’elle se portait partie civile, et la confédération nationale devrait suivre dans les prochains jours. Le dossier est actuellement entre les mains du Procureur de la République de Lyon
pour instruction. L’entrave à l’exercice du droit syndical est passible d’un an de prison et/ou de 3 750 euros d’amende. Pour l’instant, la direction de NextiraOne se refuse à tout commentaire.
Un consultant très motivé
C’est une lettre anonyme adressée à la section CGT de l’entreprise qui a déclenché les hostilités. Le courrier contenait une copie des échanges entre la direction de NextiraOne Sud-Est et Alpway Conseil, un cabinet de conseil en
ressources humaines de la région Rhône-Alpes. Alpway Conseil aurait répondu à un appel d’offre lancé par NextiraOne fin 2002. L’objectif de la mission est exposé noir sur blanc : ‘ Une baisse des contentieux, une
atmosphère plus détendue durant les CE et, à court terme, une désaffection de l’électorat CGT aux prochaines élections. ‘Le cabinet propose un stage de huit jours aux responsables RH de NextiraOne. Tarif : 1 250 euros hors taxes par jour. Une dépense que la CGT affirme n’avoir vu passer nulle part dans le budget, à moins que la somme n’ait
été ‘ camouflée ‘.Dans son offre, Alpway Conseil vante les qualités du consultant qu’il souhaite affecter à la mission. Ce dernier aurait, en 1995, réussi à ‘ limiter l’influence de la CGT ‘ chez Usinor, à
la DRH d’Allevard Aciers. La capture d’écran d’un e-mail avec copie du fichier texte attaché décrit le plan d’action engagé par le cabinet. Les conseils et les commentaires du consultant mandaté sont sans équivoque :
‘ Soutenir les vocations auprès de la CGC pour les prochaines élections ‘, ‘ FO est restée intimidée et ne s’est pas engagée comme la direction
l’attendait ‘, ‘ Informer le personnel sur la vacuité des actions de la CGT ‘, ‘ Communiquer sur les procédures engagées par les élus contre la
discrimination syndicale dont ils s’estiment victimes et le montant des dommages et intérêts perçus ‘… Difficile d’être plus explicite.
Des conséquences à double tranchant
Dans un premier temps, la CGT, craignant le canular ou un piège visant à la discréditer, se contente d’observer les éventuels changements dans les modes de management… et de laisser les preuves s’accumuler dans la messagerie de la
DRH. Epaulés par la section Droit et Libertés du siège, les délégués régionaux finissent par alerter l’inspection du travail. Celle-ci authentifie l’envoi anonyme. ‘ Elle a aussi confirmé que les faits constatés entrent dans
le cadre des articles du code du travail sur l’entrave à la liberté syndicale ‘, précise Paul Michel, délégué CGT chez NextiraOne. L’expéditeur des documents, lui, reste inconnu. ‘ Il peut s’agir d’un
cadre ou du résultat d’une erreur de routage ‘, ajoute le délégué.Cette affaire soulève au moins deux questions cruciales pour l’organisation syndicale. La direction France de NextiraOne est-elle impliquée ou s’agit-il d’une initiative de la seule région sud-est ? Que faut-il penser des allusions
sur les autres syndicats, FO et CGC, supposés plus arrangeants ? La CGT a précisé qu’elle les avertirait de la situation. ‘ Il se trouve que c’est la CGT qui est concernée, mais ça aurait pu être n’importe lequel d’entre
nous ‘, explique-t-on au siège. Concernant l’attitude des syndicats chez NextiraOne, la CGT s’est refusée à tout commentaire.
‘ On ne veut pas rentrer dans ce débat ‘, précise
Paul Michel.Reste les incertitudes pour le long terme, dans un dossier aux conséquences à double tranchant. D’un côté, la CGT en sort renforcée : elle apparaît comme un dangereux contre-pouvoir dont il faut se débarrasser. De l’autre, les salariés
risquent de se montrer réticents à saffilier au syndicat et à se présenter aux élections professionnelles sous son étiquette, de crainte de subir les représailles de la direction. Une option que la CGT ne veut pas envisager.
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