C’est une première que la gendarmerie vient de réaliser à l’occasion de l’arrestation d’un pédophile mercredi 8 avril 2009, en Seine-Saint-Denis. Non pas l’arrestation en elle-même, mais le fait que, pour y arriver, les gendarmes soient entrés en contact avec le suspect sur un forum Internet en se faisant passer pour une mineure de treize ans, comme le révélait la radio RTL ce matin.
Cette disposition figurait dans la loi relative à la prévention de la délinquance de mars 2007, mais dont l’arrêté d’application n’est paru que le 30 mars dernier. Cela faisait donc deux ans que les enquêteurs attendaient de pouvoir utiliser cette possibilité. Ce qu’ils ont fait la semaine dernière, sitôt le texte paru.
Les gendarmes du Service technique de recherche judiciaire et de documentation (STRJD) en charge de la cybercriminalité (lire notre interview du chef d’escadron Alain Permingeat) ont donc endossé l’identité d’une mineure appelée Lise et se sont mis à discuter sur un forum avec un homme d’une trentaine d’années. Celui-ci a alors proposé de poursuivre la discussion sur un chat privé où là, il a « rapidement fait part de ses intentions, à savoir avoir des relations sexuelles, indique la gendarmerie, contactée par 01net. A partir de là, le STRJD a transmis au parquet compétent qui a lui-même saisi la section de recherche de Paris. »
Pas d’incitation au crime
L’arrestation a eu lieu au domicile du suspect. Celui-ci n’a non seulement pas nié les faits mais a également reconnu avoir par deux fois eu des relations sexuelles avec des mineures à la suite d’un contact sur des forums. Il a été mis en examen le 10 avril par le tribunal de Bobigny pour corruption de mineur aggravée, atteinte sexuelle sur mineur de moins de quinze ans aggravée et propositions sexuelles à un mineur de moins de quinze ans ou à une personne se présentant comme telle sur un réseau de télécommunication.
Cette dernière précision s’explique par le fait que la proposition sexuelle a été faite aux gendarmes, pas à un mineur. Mais le suspect ne le savait pas et a agi comme s’il était en contact avec une adolescente de treize3 ans.
Dans ce genre d’enquête, le rôle du STRJD consiste à amasser tous les éléments permettant de « matérialiser l’infraction » : les échanges, l’adresse IP du suspect, les dates, etc. Le parquet, lui, déclenche l’arrestation si le dossier s’avère suffisamment solide.
La gendarmerie pouvait bien sûr déjà enquêter en se rendant sur les chats et les forums, mais sans pouvoir participer et se faire passer pour quelqu’un d’autre. Les enquêteurs n’étaient autorisés qu’à surveiller ce qui se passait et se disait.
Il reste que tous les enquêteurs n’ont pas le droit d’agir sous une fausse identité. Le décret réserve cette possibilité aux officiers de police judiciaire chargés de la répression des violences aux personnes, de la traite des êtres humains, du trafic de drogue, à ceux de l’OCLCTIC (cybercriminalité), au STRJD et aux sections de recherche de la gendarmerie. Et ils n’ont pas le droit de provoquer le crime.
« Les enquêteurs vont sur les forums grand public mais aussi sur des forums plus confidentiels que nous ne connaissons pas mais que eux connaissent, explique Véronique Fima, de l’association Action Innocence. En général, c’est un travail de longue haleine, car il y a des façons de parler, un genre de code. Ces gens [qui fréquentent ces forums, NDLR] sont très méfiants. Si on veut obtenir des images pédopornographiques, ça ne se fait pas en trois e-mails. »
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