Une citation est une marque de politesse, quatre c’est une marque respect. Lors de la conférence d’ouverture du Computex 2017, c’est à pas moins de quatre reprises que Walter YEH, président du Taitra qui organise l’événement, se félicite de la présence de « La French Tech » – à prononcer avec un fort accent chinois, of course. Le poids du label est tellement fort qu’après avoir été interrogé par un journaliste scandinave sur le devenir des liens, jadis privilégiés, de Taïwan avec l’industrie électronique finlandaise (Ericsson, Nokia), ce dernier se voit répondre que Taïwan est toujours très ouverte aux pays étrangers. Preuve en est… la French Tech.
Créé fin 2013 à la suite de l’explosion de la représentation des startups françaises au CES de Las Vegas – essentiellement des objets connectés à l’époque – ce label résonnait pour beaucoup comme un gentil coup de comm’ du gouvernement, une opération dont certains prédisaient la mort à petit feu du fait d’une lourdeur supposée. Les Cassandre semblent avoir tort : déjà l’une des plus importantes (et la plus visible) des délégations au CES, la French Tech propulse la France en troisième position des pays étrangers les mieux représentés à Taïwan aux côtés des USA et du Japon, pourtant plus importants dans les domaines de l’électronique et de l’informatique.
Culture asiatique pro gouvernementale
La French Tech au Computex n’existe que depuis deux ans. « La première année nous avons pu faire venir trois entreprises. Cette année, elles sont douze et Taïwan compte nous aider à accélérer encore l’an prochain », s’enthousiaste Gia To, conseillère export Tech & Services de Business France, l’établissement public en charge de l’internationalisation des entreprises de la French Tech. Le bureau de Taiwan travaille en étroite collaboration avec son siège à Paris, et les autres services du Bureau Français de Taipei (terme utilisé à Taiwan, équivalent de l’ambassade, car Taiwan et la France n’ont pas de relations diplomatiques).
S’il est épaulé par le siège en France, le bureau local collabore aussi avec les entreprises de la French Tech Hub de Taiwan, qui dispose de son propre logo – un papillon. A force d’emails et de rencontres avec des partenaires sur place, le bureau de Taiwan débloque des financements et des soutiens pour ce genre d’initiatives.
« Nous avons certes une mission de service public, mais nous avons un devoir d’autofinancement partiel et devons trouver des revenus en plus des subventions gouvernementales françaises », détaille Mme To. L’argent provient en partie des entreprises, qui payent pour les services de conseil et d’accueil, mais aussi de Taïwan pour qui l’égide gouvernementale de La French Tech agit comme une sorte de garantie. « En Asie, le poids des états est très fort. Le fait d’avoir un sceau gouvernemental et l’appui du directeur du Bureau français est un vrai plus dans la perception non seulement des autorités de Taïwan, mais aussi des entreprises ».
Poids de l’état et de l’effet de groupe
Une information validée par Hap2U, une des douze entreprises qui évoluent sous le pavillon officiel. « Les Taïwanais – et les asiatiques – en général n’ont pas la culture start-up, ils préfèrent les grands groupes », explique Rémi Laoubi de Hap2U. L’entreprise développe un système de retour haptique qui peut s’intégrer sous un trackpad ou un écran de smartphone pour faire ressentir des sensations de toucher comme la rugosité en utilisant des vibrations. Une technologie, toujours en intense R&D, que Hap2U voudrait vendre sous licence.
« Seuls et isolés dans un salon, nous serions presque invisibles en dépit du fait que Hap2U s’appuie sur des laboratoires de recherche d’universités française (Grenoble, Lille) et profite de l’usage exclusifs de brevets du CEA, de grosses institutions », décrit-il. « Ici, le pavillon et son branding bien identifiable (de gros panneaux avec le coq stylisé, ndr) nous donne de la visibilité et du crédit », poursuit Rémi Laoubi qui ajoute que la densité des entreprises « favorise le passage et donc les interactions ».
Taïwan apprécie la dynamique française
Pour organiser la venue des entreprises françaises, Business France doit jongler entre différents partenaires pour financer l’opération : les entreprises ne peuvent pas forcément payer tout ou partie des frais. « Taitra (l’organisme d’état qui organise le Computex, équivalent d’une chambre de commerce et de l’industrie, ndlr) devait nous financer la venue d’une ou deux entreprises », relate Mme To. « Mais au fil du temps et des discussions, Taitra a été séduit par l’initiative et a finalement financé la venue de cinq entreprises ». Quant au stand, bien placé dans le pavillon des startups, « il est en partie financé par nos voisins du Triple (organisme taïwanais d’aide aux entrepreneurs, ndlr) qui a vu l’intérêt de s’associer à la dynamique de la French Tech. La force du label les a séduit, et ils apprécient notre savoir-faire en matière de communication », ajoute Mme TO.
Taïwan, c’est la Chine avec moins de tracas
La présence, pour le moment modeste, d’entreprises françaises et étrangères sur le Computex pourrait s’accélérer dans les années qui viennent. Côté taïwanais, il s’agit un peu de survie. Face à la puissante Chine continentale qui a aspiré la majorité des sièges et des usines, Taïwan veut reprendre du poil de la bête et profiter des coûts chinois en très forte hausse. « Côté français, Taïwan est la meilleure porte d’entrée vers l’Asie », explique Mme To. « Il est plus facile d’y faire des affaires car l’état de droit et la propriété sont respectés, les entreprises et les interlocuteurs sont plus respectueux et ils s’inscrivent (pour la plupart) dans le long terme. » Face à une Chine qui ressemble toujours un peu à un Far West où les déconvenues sont légions, l’îlot de tolérance pro-occidental que représente Taïwan semble en effet un havre de paix.
Retrouvez l’intégralité de notre dossier sur le Computex 2017.
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