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La France prépare discrètement une carte d’identité électronique

Le projet donnerait au citoyen un numéro d’identifiant unique, servant de signature pour les échanges en ligne avec l’Administration et de clé d’accès personnel pour la consultation de données.

“Titre fondateur”. C’est le nom de la mission officiellement constituée par le ministère de l’Intérieur, en décembre dernier, pour réfléchir à l’identité électronique des citoyens, et aux moyens d’en garantir le contrôle. Annoncée par le ministre Vaillant, dans le cadre du plan d’action pluriannuel pour les préfectures 2002-2004, cette mission, dirigée par le haut fonctionnaire Michel Aubouin, doit établir les procédures d’enregistrement d’un titre national d’identité, servant à“authentifier les rapports entre l’Administration et les usagers”. L’objectif poursuivi vise à donner à chaque Français un numéro d’identifiant unique, servant à la fois de signature pour les échanges en ligne avec l’Administration et de clé d’accès personnel pour la consultation de données administratives. Dans le chantier de l’Administration électronique, le ministère de l’Intérieur semble donc décidé à jouer son rôle“sécuritaire”.Jusqu’ici en effet, le ton s’est voulu rassurant : Michel Sapin, le ministre de la Fonction publique, a particulièrement insisté sur le pouvoir que la technologie confère aux citoyens en leur donnant les moyens de contrôler eux-mêmes l’usage qui est fait de leurs données personnelles par l’Administration. C’est le projet de“coffre-fort électronique” à clé d’accès sécurisé, conçu comme garde-fou contre les abus de l’interconnexion des données administratives.
Parallèlement, Michel Sapin a confié à une Commission présidée par le magistrat Pierre Truche le soin de réfléchir avec la Cnil aux limites légales d’une évolution possible vers un numéro d’identifiant unique utilisé par l’Administration. “Il ne s’agit pas de reprendre le combat de mars 1974”, déclarait le ministre le 29 janvier dernier lors du lancement de la campagne de communication du site Service-public.fr. À cette date, le gouvernement Messmer avait voulu rapprocher les données Insee avec les fichiers du ministère de l’Intérieur : c’était le projet Safari (Système automatisé pour les fichiers administratifs et le répertoire des individus). Il avait suscité une grande émotion et conduit au vote de la loi de 1977 dite “Informatique et libertés”, soumettant à l’autorisation de la Cnil tout rapprochement de données administratives. Sur ce sujet, le rapport Truche, prévu pour fin février, définira le nouvel équilibre entre interconnexion des fichiers et contrôle citoyen des données, rendu possible grâce aux technologies de l’information. En attendant, à Bruxelles, la présidence belge de l’Union s’est concentrée sur “l’identification électronique des citoyens” en publiant, en novembre, un état des lieux des projets en cours chez les Quinze. Dans ce rapport, l’identification unique et la mise en réseau généralisée apparaissent comme un objectif communautaire, déjà réalisé par la Suède, la Finlande et le Luxembourg.À ce jour, seules la Finlande et la Suède ont développé une carte d’identité électronique : l’une certifiée par l’Administration publique, l’autre par un organisme privé, qui associe La Poste et les grandes banques. L’Italie de son côté réalise des expérimentations dans les grandes villes et annonce une carte d’identité électronique pour 2003. En instituant la mission“Titre fondateur” au sein du ministère de l’Intérieur, gardien de l’état civil, la France qui n’avait déclaré aucun projet de carte nationale d’identité électronique à ses homologues européen, se prépare à faire tomber un tabou.

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Sébastien Fumaroli