Il est de bon ton de railler la nouvelle économie. Pourtant, ses modèles, présentés souvent de manière caricaturale avec une quasi-disparition de l’idée même de profit, vont s’imposer. Et ce, pour quatre raisons : les gains de productivité, les coûts fixes, une nouvelle organisation industrielle, des business modèles inédits.Une première chose est certaine. La baisse du prix des équipements liés aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) rend le coût du capital plus faible. Dans la nouvelle économie, où l’intensité capitalistique est particulièrement élevée, ceci permet d’accroître des gains de productivité grâce à des coûts d’investissement moindres. C’est cette idée qui permet de conclure sur le caractère non-inflationniste de la croissance induite par la nouvelle économie.
La domination des coûts fixes
Mais le second point est plus important. En effet, la nouvelle économie est, pour partie, caractérisée par des fonctions de production à coûts fixes. Qu’est-ce que cela signifie ? Tout simplement le fait que le coût de production reste sensiblement inchangé, quelle que soit la quantité produite. Ce qui a principalement compté, c’est l’investissement intellectuel de départ. Les conséquences en sont très importantes. Tout d’abord, dans une économie à coûts fixes, les coûts de production sont payés d’avance, donc la part du pari sur le futur est plus forte, car il n’est pas possible d’envisager des ajustements par les quantités, qui peuvent conduire à la disparition de nombreux acteurs. Ensuite, le fait que les seuls coûts à supporter soient les coûts fixes initiaux favorise la réapparition des monopoles.Enfin, la troisième conséquence, de loin la plus intéressante, c’est l’apparition d’un phénomène inédit. En effet, les coûts fixes, qui impliquent des rendements croissants, font apparaître des formes de concurrence originales. Ils incitent aussi à l’élaboration de stratégies totalement nouvelles, en corrélation avec les bouleversements dans le jeu du marché. L’objectif des stratèges est désormais de déconcerter les adversaires, via des fausses annonces et des alliances rompues.Mais nouvelle et ancienne économie divergent également en ce qui concerne l’organisation industrielle. Les nouvelles structures et les nouvelles formes de concurrence instaurent de nouveaux comportements stratégiques. Les sociétés cherchent à exploiter les opportunités offertes par internet en matière de baisse des coûts : d’où le succès du commerce internet entre entreprises. L’e-commerce favorise également la réorganisation interne de l’entreprise, car il devient moins onéreux d’externaliser un certain nombre d’activités.
Le meilleur exemple étant celui du pétrolier BP/Amoco, qui a sous-traité jusqu’à la gestion de ses ressources humaines.Enfin, la nouvelle économie, c’est la naissance ?” quoi qu’on en dise ?” de nouveaux business models. Deux éléments portent en eux de véritables bouleverse-ments dans un futur proche. C’est le cas des alliances qui ne sont plus exclusives. C’est également le cas des réseaux. Ce sont des infrastructures physiques qui permettent le transport et la mise à disposition des marchandises physiques ou numérisables, telles que les chemins de fer ou les télécommunications. La nouvelle économie implique des changements majeurs à la fois en termes de libéralisation des marchés et d’avancée technologique, ce qui remet évidemment en cause les structures de réseaux anciennes. Elle suppose donc une nouvelle régulation de ces réseaux, allant même jus-qu’à leur mise en concurrence directe, le fil de téléphone contre le spectre hertzien.On le voit, bien au-delà des incidents de parcours, la nouvelle économie porte en elle les germes de transformations très profondes des comportements des entreprises.
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