En 1995, un ingénieur se fait licencier pour faute grave par son employeur, Nikon. Motif ? Le salarié exerce une activité parallèle à son travail. La preuve ? Les messages contenus dans la boîte aux lettres électronique de son ordinateur.Le salarié porte cette décision aux prud’hommes qui donnent raison à l’employeur. Il en va de même pour les différentes cours d’appel.Mais, le 2 octobre 2001, la cour de cassation prononce une décision qui change tout. Désormais, ” l’employeur ne peut, sans violation de la liberté fondamentale, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition (…), et cela, même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur “.En conséquence, même si le salarié n’a pas le droit d’exercer une activité parallèle à son travail, l’employeur ne peut, en aucun cas, lire son courrier si ce dernier relève de la vie privée.
L’effet jurisprudence
” Jusqu’à présent, les décisions juridiques reposaient sur le principe que l’entreprise a le droit de surveiller l’activité électronique de ses salariés s’ils sont prévenus. Pour la première fois, ce principe est remis en cause ” se réjouit Benoît Tabaka, du cabinet Landwell.La décision de la cour de cassation s’appuie sur la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le code civil et le nouveau code de procédure civile. Pour Valérie Sedaillon, avocate spécialisée dans les nouvelles technologies, ” toutes les décisions du conseil des prud’hommes qui ne vont pas dans ce sens devraient être réformées “.En ce sens, chaque litige actuel devrait tomber sous le coup de l’arrêt, et donner raison aux salariés si l’employeur a mis son nez dans les affaires virtuelles privées de leurs salariés.
Remise en cause des chartes
Outre les implications juridiques, toutes les entreprises qui épient les contenus des mails de leurs salariés risquent dès à présent de voir leurs employés se retourner contre eux pour non-respect de leurs droits fondamentaux.Les chartes de bonne conduite, dont l’implantation au sein de l’entreprise était fortement recommandée par la Cnil en mars dernier, ne pourront plus imposer aux salariés de s’engager à ne pas utiliser leur messagerie à des fins personnelles. C’est le cas de près de 80 % des chartes actuelles.” J’ai lu des chartes qui autorisaient l’utilisation du téléphone, mais pas des mails “, se rappelle Valérie Sedaillant. L’avocate se demande cependant comment l’entreprise pourra imposer aux salariés une bonne conduite, si elle ne peut pas vérifier que cette dernière est appliquée.Les futurs litiges risquent donc désormais de porter sur le caractère privé d’un message. ” C’était plus facile à déterminer avec un casier “, concède Valérie Sedaillant. Et le débat risque fort de se tourner désormais vers la définition de ce qui relève du professionnel et du privé.En attendant, pour la première fois dans l’histoire, la cour de cassation a tranché sur l’e-mail.
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