” La diplomatie française a découvert un nouveau pays qui s’appelle la Cybérie “, lance mi-provocateur, mi-volontaire, Bertrand de La Chapelle, directeur de la mission sur les nouvelles technologies du ministère des Affaires étrangères (MAE).Au Quai d’Orsay, la direction de la Coopération a, en effet, décidé de franchir le cap du numérique pour réformer ses méthodes d’action diplomatique, et afin d’asseoir sa volonté de changement, de prendre pour exemple le dernier sommet du G8 à Gênes. À ce rendez-vous des pays les plus riches de la planète, la corégulation de l’internet, si cher au gouvernement Jospin, a trouvé sa première expression dans la lutte contre la fracture numérique. À l’origine de cette victoire diplomatique : la ” dot-force “, une structure de négociation mise en place par le G8 qui a réuni à parité les représentants des États industrialisés, des pays pauvres, des ONG et des entreprises privées.L’année dernière, au sommet du G8 d’Okinawa, internet avait été consacré en outil de développement économique des pays émergents. Cette année, à Gênes, une nouvelle étape a été franchie avec l’ouverture aux acteurs non-gouvernementaux. C’est ce qu’on appelle au ministère ” la découverte de la Cybérie “.
L’agence de presse officielle du Quai
Le Quai d’Orsay, ministère des relations avec l’international, n’a pas attendu le web pour déployer un réseau mondial qui s’appuie sur plus de 200 postes de représentation à l’étranger et 150 centres culturels répartis dans 91 pays.Depuis 1996, la mise en ligne des ambassades et des consulats a ainsi dupliqué sur le net le plus antique système d’information mondial. “ Une construction qui s’est faite de manière autonome, ambassade par ambassade, et dont le site du quai d’Orsay, Diplomatie.fr sert de canevas “, explique Cecile Bozzo di Borgo, responsable de la communication extérieure du ministère. Et de commenter : “ L’ouverture de Diplomatie.fr s’est inscrite dans la politique prônée par Hubert Védrine de “transparence de l’activité diplomatique et d’ouverture du ministère”“, continue-t-elle. Dans ce cadre, le portail de la diplomatie française est devenu l’agence de presse officielle de la voix de la France à l’étranger qui retransmet en instantané, pour les journalistes et le grand public, les positions prises par le gouvernement sur la scène internationale.En revanche, pour les communications diplomatiques courantes, internet n’a pas détrôné le télégramme chiffré, canal unique de transmission des messages entre ambassades.Mais cet objectif de sécurité n’a nullement empêché le réseau des réseaux de s’affirmer pour le Quai d’Orsay comme un nouveau domaine d’intervention diplomatique. En 1998, à l’époque où le gouvernement Jospin tente de faire entrer la France dans l’ère numérique, le ministère est chargé de défricher les enjeux internationaux de la révolution des communications. Bertrand de La Chapelle rejoint alors la cellule de veille constituée au Quai d’Orsay. Une ” start-up administrative ” que pilote Alain Le Gourrierec, nommé ambassadeur itinérant par Matignon.Très vite le constat s’impose : noms de domaine, cybercriminalité, protection des données privées, fracture numérique… La plupart des questions relatives à internet se décident à l’international. Autrement dit, la société de l’information sera un des points d’appui du ministère des Affaires étrangères pour affirmer ses prérogatives dans la globalisation. Pour Bertrand de la Chapelle, la diplomatie numérique est une révolution en ce qu’elle engage le Quai d’Orsay sur la voie du partenariat avec le secteur privé. “Dans la diplomatie numérique, l’entreprise privée a gagné toute sa légitimité, les associations sont en passe de la conquérir“, reconnaît Bertrand de La Chapelle. Des propos que ne devrait pas renier Hubert Védrine. De fait, depuis son arrivée, le ministre “prône l’ouverture du monde des chancelleries sur la société civile“.
De nombreux tabous sont tombés
Le ministère des Affaires étrangères vient ainsi de réunir un tour de table ?” au sein duquel figure Vivendi Universal ?” pour la construction de points d’accès internet dans les pays du Sud. “Le financement de réseaux télécoms demande une mobilisation rapide de capitaux, où les fonds publics sont insuffisants et souvent inadaptés“, explique-t-on à la direction de la Coopération. La ” Cybérie ” fait donc tomber bon nombre de tabous à la direction de la Coopération du ministère. “Et si Amazon.com était le meilleur diffuseur de la culture française à l’étranger ?“, lance ce diplomate. Ce pourrait être en effet la réponse numérique au rapport du député Yves Dauge, qui a récemment dénoncé le manque de moyens financiers des centres culturels français à l’étranger et, par voie de conséquence, leur manque d’efficacité.Sans encore envisager un partenariat entre le Quai d’Orsay et les sites internet (de surcroît américains et, qui pourraient enfreindre les règles de non-distorsion de concurrence), la boutade est riche d’enseignement : elle montre que la toile peut être aussi mise à profit pour reconfigurer le réseau des postes de représentation. “Mais en aucun cas il ne s’agit de remplacer un attaché culturel par un site internet “, rétorque-t-on prudemment au ministère. Et ce diplomate de conclure : “ Internet pourrait être utilisé pour aller au-delà de l’antenne de représentation, en articulant visibilité en ligne et activités physiques “. Fin de notre série sur l’État et le net
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