“Ce n’est pas une crise, c’est une révolution”, lance Paul Azan, directeur marketing d’Extreme Networks, lorsqu’on l’interroge sur les causes du ralentissement des ventes qui frappent indistinctement tous les équipementiers de réseaux pour opérateurs et entreprises. Le patron d’Alcatel, Serge Tchuruk, pronostique ainsi un recul du marché de 25 % pour cette année. Et, l’ensemble des constructeurs ont du revoir leur copie. Tandis qu’Alcatel annonçait son “retour” sur le marché de l’entreprise aux visiteurs du salon Interop, qui s’est tenu du 5 au 8 mai à Las Vegas, Cisco se découvrait, par la voix de John Chambers, une vocation de champion de la sécurité informatique.
Nouveau rapport de forces
Ce salon, où les observateurs pensaient lire une nouvelle preuve de la déprime des équipementiers de réseaux, marque au contraire le retour des constructeurs dans l’arène. Intel, HP, Alcatel, Network Associates, Avaya, Enterasys, Aprisma, Foundry, Extreme, Veritas, Fluke, Sun, Check Point, F5, Network Appliance, Verisign, Micromuse, Riversoft et IBM y ont présenté plus de nouveautés que l’année passée. Certains segments délaissés, comme celui des commutateurs et des routeurs, y gagnent même leurs premières améliorations significatives depuis l’arrivée du Gigabit Ethernet, il y a deux ans.Pour la plupart des constructeurs, il y avait urgence. “C’est tout le fonctionnement du système qui a changé”, commente Drew Miale, porte-parole d’Enterasys. Comme ses concurrents, l’ex-Cabletron a dû réajuster sa politique commerciale “pour prendre en compte les besoins d’une clientèle désormais concernée avant tout par le retour sur investissement”. Pour lui, la crise marque l’entrée d’internet dans une seconde phase, “où il constitue un outil de productivité, et doit être analysé comme tel”. Sur le terrain, les forces de vente doivent faire face à de nouveaux interlocuteurs, expliquent en c?”ur les constructeurs. “Hier, nous discutions avec les responsables techniques ou les administrateurs de réseaux, confirme Graham Celine, directeur général de la division solutions d’entreprise chez Avaya. Désormais, tout se joue au niveau de la direction générale.” Une logique commerciale qui se rapproche de plus en plus de ce que connaissent d’autres secteurs industriels. “Nos clients nous demandent aujourd’hui de travailler sur des solutions verticales dont ils peuvent quantifier le retour sur investissement dans le cadre d’un projet ou d’un développement précis et concernant l’ensemble de la société”, confirme Oscar Rodriguez, président de la division internet chez Nortel.Pour certains équipementiers, cette nouvelle approche des consommateurs constituerait une aubaine. Le marché se serait assaini. “Bien sûr, les cycles de décision s’allongent, et cela affecte en apparence les résultats, poursuit Drew Miale, d’Enterasys. Mais les achats sont plus suivis et, lorsque la solution proposée répond aux attentes en matière de coût total de possession et de retour sur investissement, les prix ne sont pas forcément plus bas.” En revanche, les dépenses des services commerciaux sont en nette hausse. “Il faut désormais prouver, chiffres à l’appui, que la solution proposée fera gagner de l’argent à l’entreprise, révèle Paul Azan, directeur marketing chez Extreme Networks.Certains secteurs, comme les réseaux sans fil, souffrent plus que d’autres de cette nouvelle logique. “Il est maintenant illusoire de continuer à croire à l’explosion du marché des équipements de réseaux locaux sans fil”, juge Ray Martino, vice-président de la division chez Symbol Technologies. “Le retour sur investissement d’une installation de réseau sans fil est encore trop spéculatif, poursuit-il. Dans la pratique, les entreprises considèrent ces solutions comme une commodité, et non une nécessité.” Là encore, c’est sur des applications verticales, notamment dans le secteur de la grande distribution, que le constructeur compte pour développer son marché.“Nous avons appris aux entreprises à réfléchir à leurs investissements. C’est nous, constructeurs, qui avons introduit sur ce marché très technique la notion de retour sur investissement. C’est quelque chose qui ne soubliera pas, même une fois la crise passée”, conclut Paul Azan. Un vrai retour… sur terre.* à San Francisco
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