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La Cour des comptes met en garde contre la transformation numérique trop rapide des services publics

Les magistrats de la plus haute juridiction financière alertent sur le virage numérique de l’action publique. Pour être profitable, il faut recruter et investir.

Oui à la dématérialisation des services publics, mais attention à la mise en place. C’est en substance le message délivré dans le rapport annuel de la Cour des comptes publié mardi 25 février 2020. Selon les juges, les démarches en ligne ne seront efficaces pour les usagers que si les procédures sont, au préalable, simplifiées mais surtout si les moyens humains et financiers sont conséquents.

Des « fragilités » identifiées

Pour la première fois, la plus haute juridiction financière consacre plusieurs enquêtes à l’utilisation du numérique au service de l’action publique, compilées dans le Tome II du rapport. Les magistrats se sont notamment intéressés à la dématérialisation de la délivrance de titres (pièce d’identité, permis de conduire, etc.) par les préfectures, au dossier pharmaceutique, à la numérisation des demandes de logement social ou encore à l’échec du « système d’information des ressources humaines dans l’éducation nationale » (Sirhen) et aux interfaces de Pôle emploi.

Si la transformation numérique « permet d’améliorer les services rendus aux usagers » et qu’« un bon usage […] peut améliorer sensiblement l’efficacité des acteurs publics », ces impacts positifs « ne sont pas toujours au rendez-vous » et des « fragilités » limitent l’atteinte des ambitions de transformation, constate la Cour.

Quels sont les risques ?

L’enjeu en amont de « simplification des procédures » ne doit notamment pas être négligé. Pour certaines procédures compliquées, la numérisation « risque d’être peu efficace et même de les rendre encore plus complexes », prévient-elle. La Cour évoque les déboires des préfectures concernant les délivrances des cartes grises dématérialisées, alors que cette transformation s’est mieux passée pour les permis de conduire ou les cartes d’identité.

En référence aux 13 millions de Français pas à l’aise avec le numérique, la haute juridiction souligne le besoin « d’accompagnement » des usagers. Ce constat s’appuie notamment sur son enquête dédiée à la demande de logements sociaux. Une problématique qui rappelle la fracture numérique dans les territoires ruraux.

Les juges identifient trois conditions de réussite de la transformation numérique de l’action publique : « disposer de personnels qualifiés pour réussir la transformation numérique », « moderniser […] les systèmes d’information des ressources humaines du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse » mais aussi « consolider […] les infrastructures numériques de l’enseignement supérieur et de la recherche ».

Pour pallier ces manques, la Cour des comptes préconise par exemple de créer un concours d’ingénieurs informatiques donnant droit au statut de fonctionnaire, d’attirer de jeunes diplômés pour étoffer les rangs des directions des systèmes d’information (DSI) notamment à Bercy. 
Ajoutés à ces freins, les magistrats pointent les lacunes en termes de pilotage à moyen et long terme, mises notamment en lumière dans le fiasco du système Sirhen, abandonné en 2018 après treize ans d’errements et 400 millions d’euros engloutis.

Prudence est mère de sureté

Sur le volet formation dans le supérieur, les juges recommandent aussi de « labéliser » les universités ou centres de recherche reconnus « initiatives d’excellence » comme data centers du ministère.
La Cour ne manque pas de rappeler que le développement de services numériques efficaces suppose des investissements importants, en particulier pour avoir des outils de pointe, mais ce qui ne doit pas « conduire à négliger la maintenance des logiciels plus anciens ».

Ce rapport intervient alors que le gouvernement multiplie les annonces et les plans de dématérialisation dans l’optique d’atteindre 100 % des services publics en ligne d’ici 2022. Instance indépendante, la Cour des comptes appelle à la prudence face à la précipitation du gouvernement.

Source : Rapport 2020 de la Cour des comptes (tome II) [PDF]

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Marion Simon-Rainaud avec AFP