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Les smartphones Android pourront bientôt sauver des vies grâce aux satellites, comme les iPhone

Le partenariat entre Qualcomm et Iridium va transformer la plupart des smartphones équipés du Snapdragon 8 Gen 2 en terminaux capables d’envoyer des messages d’urgence satellitaires. Si l’approche ressemble à celle d’Apple, intégrée dans les iPhone 14, le choix du partenaire satellitaire pourrait donner un avantage à Qualcomm.

« Où que vous soyez dans le monde, si vous voyez ne serait-ce qu’un petit bout de ciel, vous serez en mesure de communiquer ».  Voilà la promesse de Francesco Grilli, vice-président de Qualcomm en charge des technologies satellitaires. À l’occasion du CES 2023, il a présenté l’arrivée prochaine de cette technologie dans les smartphones Android. Répondant ainsi à Apple, qui a lancé avec ses iPhone 14 l’ère de la communication satellitaire d’urgence en septembre 2022.

Si Qualcomm vient après Apple dans la course, c’est essentiellement pour une raison de calendrier de lancement des processeurs, le premier lançant généralement ses SoC en fin d’année. Pourtant, le « retard » de Qualcomm ne l’est que dans l’annonce et dans la disponibilité logicielle des services : la majeure partie des terminaux Android haut de gamme embarquant les puces Snapdragon 8 Gen 2 cette année sont d’ores et déjà compatibles. Mais une différence majeure distingue la technologie de Qualcomm de celle d’Apple : le choix du partenaire satellitaire.

L’avantage d’Iridium sur Globalsat

Contrairement à Apple qui a signé avec l’entreprise Globalsat, Qualcomm s’est tourné vers un autre spécialiste du satellite, l’Américain Iridium. Qui n’est rien de moins que le poids lourd de l’industrie dans le domaine. Toutes les professions qui impliquent de vraiment sortir des sentiers battus – alpinistes, humanitaires, explorateurs, journalistes en zones de conflit, agents gouvernementaux, etc. – sont susceptibles de s’équiper avec un téléphone satellitaire. C’est généralement un terminal basé sur le réseau Iridium pour une force fondamentale de ce réseau : son caractère universel.

A lire aussi : iPhone : Apple lance aujourd’hui son service par satellite qui va sauver des vies (déc. 2022)

Car du pôle Nord au point Nemo de l’océan Pacifique, dès lors qu’un bout de ciel est disponible, un terminal compatible avec le réseau Iridium peut effectivement envoyer et recevoir des messages – une bidirectionnalité qui sera aussi à l’ordre du jour avec les smartphones. Ce qui n’est pas le cas avec le réseau Globalsat. La raison tient dans la conception technique des deux réseaux. Alors que Globalsat dépend de relai au sol (plusieurs dizaines sur la planète), Iridium est une constellation incluant des communications inter-satellites.

De plus, le plus grand nombre de satellites à plus basse altitude chez Iridium (66 + 9 de secours contre seulement 24 pour Globalstar) facilite la communication même dans les gorges ou canyons les plus encaissés, là où Globalsat aura bien plus de mal. Attention, cela ne disqualifie pas l’offre d’Apple (lire « l’atout Apple » plus bas), dont le service répond déjà parfaitement à des usages occasionnels au fin fond du désert de l’Atacama – enfin si le service était lancé au Chili. Mais les explorateurs les plus sauvages choisiront forcément Iridium plutôt que Globalsat.

Partout, pour tous les smartphones 100% Qualcomm (mais pas pour tous les clients)

La bonne nouvelle pour ceux qui vont acheter un terminal Android haut de gamme cette année est que les terminaux devraient être 100% compatibles avec la connexion satellitaire. Pourquoi employer le conditionnel ? Parce qu’il a deux limites : une technique et une juridique. « Le terminal doit utiliser nos antennes RF de dernière génération pour pouvoir profiter du service », explique Francesco Grilli. Dans le cas où une marque ferait appel à un autre prestataire, cela ne sera pas possible : le modem X70 Snapdragon 8 Gen 2 a besoin de ces antennes. S’il est rare que les marques n’achètent pas la plate-forme technique complète, cela peut arriver. Il sera difficile de vérifier facilement l’information car rares sont les fiches techniques qui détaillent le type d’antenne RF employée !

Ensuite, il faut que la législation du pays d’achat du terminal permette ce genre d’usage. « Des pays comme l’Inde ou la Chine ne permettent pas les services satellitaires. Les logiciels locaux ne permettront donc pas d’en profiter. Mais tous les appareils compatibles achetés en Europe ou en Amérique du Nord le pourront. Et ils fonctionneront partout sur la planète », a complété M. Grilli. Sur le papier, Qualcomm semble avoir un certain avantage technologique. Mais comme bien souvent, Apple a quelques cartes dans sa manche.

Les atouts d’Apple : les investissements et l’intégration

La communication d’Apple explicite clairement son investissement dans le réseau de Globalstar : « Les investissements d’Apple ont déjà permis d’améliorer les stations au sol de Globalstar via le déploiement de nouvelles antennes à grande puissance, produites pour Apple dans l’usine Cobham Satcom de Concord (Californie). » © Apple

Globalstar n’offre pas la couverture totale et globale d’Iridium, on l’a vu. Ensuite, le réseau dépend de stations au sol en nombre limité. Car le monde du satellite – Iridium, inmarsat, Globalstar et Thuraya – est petit et dégage peu d’argent. Tous les lancements sont maîtrisés, sans le côté « débauche » que peut représenter un acteur comme Space X. Tout cela, Apple le sait fort bien. Voilà sans doute pourquoi le géant américain a décidé de mettre la main à la poche pour renforcer le réseau.

Apple a ainsi beaucoup insisté dans sa communication autour de la fonction après le lancement des iPhone 14 pour parler de son investissement dans le système. L’Américain va ainsi dépenser 450 millions de dollars sur cinq ans pour renforcer le réseau de stations au sol. Dans un premier temps aux Etats-Unis (premier marché où le service a été déployé) dans les états d’Hawaï, d’Alaska, de Floride, du Nevada, ou à Porto-Rico. Si peu de gens ont réellement besoin de l’universalité d’Iridium, de nombreux états américains restent assez vides, sauvages et parfois mal équipés en infrastructures réseaux. La solution d’Apple semble donc déjà adaptée à un public plus large.

Finalement, c’est aussi du côté de l’intégration qu’Apple va se distinguer, puisque le service est (comme d’habitude chez Apple !), pensée de A à Z. Des messages pré-enregistrés dans le terminal (qui encapsulent automatiquement la position GPS) en passant par l’intégration logicielle, la facilité de souscrire à un plan de protection le moment venu – pour l’instant, l’offre est gratuite pendant deux ans, et l’avenir dira ce qu’Apple aura décidé, etc. Tout est déjà en place chez l’Américain.

Pour pouvoir concurrencer Apple, les partenaires Android de Qualcomm vont devoir créer de toute pièce non seulement une offre logicielle, mais aussi une offre technique et commerciale adaptée à chacun des pays où les appareils sont vendus. Les finitions sont généralement le talon d’Achille des terminaux Android. Espérons que Qualcomm a déjà préparé le terrain pour ses partenaires, sinon il faudra sans doute attendre un petit moment pour que sa solution, pourtant supérieure spatialement, puisse venir réellement taquiner celle d’Apple.

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