L’économie de marché est omnipotente. Volens, nolens, les salariés sont de plus en plus étroitement associés aux résultats de leur société. En matière de financement, la Bourse est devenue le recours naturel des entreprises. La dérégulation s’impose sans résistance dans tous les secteurs. Grâce à internet, la standardisation des échanges ne connaît plus de frontières. À Paris comme à Bruxelles, c’est désormais la concurrence qui fait office de politique industrielle. Mais, si puissant soit-il, ce mouvement n’est pas inexorable si l’on considère la spectaculaire faillite d’Enron. Elle n’épargne personne. Ni les analystes qui ont jusqu’au bout recommandé cette valeur à l’achat. Ni les autorités boursières qui n’ont rien vu des tripatouillages de cette galaxie de 4 000 centres de “profits“. Ni les patrons du monde entier fascinés par les mutations en accéléré d’Enron, comme le prouve un séminaire organisé par les Galeries Lafayette sur ce thème au printemps dernier. Ni les journalistes, toujours avides de nouvelles icônes. Ni, bien sûr, les auditeurs coupables d’avoir masqué une perte vertigineuse pour que leurs confrères du consulting ne perdent pas l’entreprise comme cliente.Les salariés et les petits actionnaires payent la facture. Elle est lourde, car elle se chiffre aussi en perte de confiance. Il serait illusoire de penser que la France est à l’abri. Les règles déontologiques empêchent-elles un auditeur et un consultant d’être salariés du même cabinet ? La COB est-elle plus efficace que la SEC ? Les autorités administratives indépendantes ont-elles démontré leur autorité ? Il faudrait revenir sur les visas accordés par la COB à Liberty Surf, examiner le bilan de la Commission bancaire après les turpitudes du Crédit lyonnais ou mesurer l’influence du CSA après les interrogations entourant la fusion Vivendi Universal. Mais la conclusion est évidente : sans un surcroît de transparence, l’économie de marché est son propre ennemi.
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