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La collecte de masse des données orchestrée par Bercy jugée conforme à la Constitution

Les Sages du Conseil constitutionnel ont validé le dispositif de collecte de masse sur les réseaux et les plates-formes de partage en ligne par le fisc et les douanes de la loi finances 2020. C’était le dernier recours juridique possible.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision rendue vendredi 27 décembre, estime que la surveillance généralisée des réseaux sociaux prévue par l’article 154, ex-57, de la loi de finances pour 2020 est conforme à la Constitution. 

Feu vert pour le « Big Brother Bercy »

Après avoir été saisis par plus d’une centaine de députés de tous bords politiques mais aussi par le collectif militant La Quadrature du Net (LQDN), le « Big Brother Bercy », comme l’a appelé le site NextInpact, est finalement validé.

Selon les Sages, cet article qui permet « d’une part, de collecter de façon indifférenciée d’importants volumes de données, relatives à un grand nombre de personnes, publiées sur de tels sites et, d’autre part, d’exploiter ces données, en les agrégeant et en opérant des recoupements et des corrélations entre elles » a « sa place dans une loi de finances ». Invoquant l’article 34 de la Constitution, le conseil Constitutionnel considère que l’outil de collecte de masse permet de « doter les administrations fiscale et douanière d’un nouveau dispositif de contrôle pour le recouvrement de l’impôt ». 

Une atteinte à la vie privée justifiée par la fin

Cette lecture juridique s’oppose pourtant à l’avis publié début novembre 2019 du Conseil d’Etat, révélé toujours dans les colonnes du site spécialisé NextInpact. L’autorité administrative avait estimé que « ces dispositions, qui ne concernent ni les ressources ni les charges de l’État et ne sont pas davantage relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature qui n’affectent pas l’équilibre budgétaire, ne relèvent pas du domaine de la loi de finances ».

Concernant l’atteinte à la vie privée, les Sages n’ont pas nié le risque, même si les données aspirées sont rendues publiques par les personnes concernées. « Dans la mesure où elles sont susceptibles de dissuader d’utiliser de tels services ou de conduire à en limiter l’utilisation, [les mesures contestées] portent également atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication ».

Mais ils n’ont pas considéré cette atteinte comme disproportionné ou insupportable au regard des objectifs du dispositif, à savoir la lutte contre la fraude fiscale et douanière.

Seulement une mesure censurée

Il n’y a finalement qu’une disposition censurée. Celle relative à la recherche d’un défaut ou au retard de production d’une déclaration fiscale dans les trente jours suivant la réception d’une mise en demeure. Un manquement déjà sanctionné par une majoration de 40 % des droits dûs. 

Selon l’avis, « dans une telle situation, l’administration, qui a mis en demeure le contribuable de produire sa déclaration, a déjà connaissance d’une infraction à la loi fiscale, sans avoir besoin de recourir au dispositif automatisé de collecte de données personnelles ». Dans ce cas-là, les Sages estiment donc que l’atteinte au respect de la vie privée et à la liberté d’expression n’est plus proportionnée au but poursuivi, donc anticonstitutionnel. Le coeur du dispositif est donc préservé tel quel. Malgré les réserves émises déjà par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) dès l’émergence du projet. 

« La boîte de Pandore a été ouverte »

Mais l’avis de la haute autorité ne convainc pas dans les rangs des détracteurs de ce dispositif. 

« Ni le gouvernement, ni le Conseil n’ont été capables d’expliquer en quoi la surveillance algorithmique est nécessaire à la lutte contre la fraude fiscale », expliquent les militants de LQDN dans un communiqué publié à la suite de la publication de l’avis. Avant d’abonder : « La boîte de Pandore a été ouverte. En validant le principe de surveillance de masse des réseaux sociaux, le Conseil constitutionnel permet aux autres administrations de pouvoir réclamer leur part de surveillance généralisée, voire de se servir directement dans les données collectées par le fisc ».

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Marion Simon-Rainaud