Prévention et répression. L’industrie de la musique en parle depuis un moment, et comptait automatiser ces deux volets de sa politique de lutte contre la piraterie en ligne. D’un côté, des envois massifs de messages d’information, de
l’autre, des constats d’infraction en vue de poursuites en justice. La démarche supposait l’aval de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Sa décision est tombée le 18 octobre dernier et a été rendue publique le
24 : c’est non.Le dossier présenté par la Sacem, par la SDRM (Société pour l’administration du droit de reproduction mécanique), son organisme financier, par la SCPP (Société civile des producteurs phonographiques) et la SPPF (Société civile des
producteurs de phonogrammes en France), n’a pas satisfait aux exigences de la Cnil.Sur le volet préventif, d’abord, c’est le rôle des fournisseurs d’accès à Internet prévu dans le processus qui a fait tiquer la Commission. Le repérage des internautes fautifs grâce à un logiciel relevait de l’industrie de la musique,
mais ensuite ‘ les messages devaient être acheminés par les FAI à des abonnés identifiés par leurs adresses IP. Cela pose problème au regard de la loi sur la protection des données personnelles ‘,
explique Christophe Pallez, secrétaire général aux affaires juridiques. La Cnil considère, en effet, que l’adresse IP est une donnée personnelle.
Trop de surveillance
Or, la demande de la Sacem et consorts supposait que les FAI conservent ces données le temps qu’ils envoient les messages de prévention. Une conservation qui est prévue par la loi, mais dans des cas bien précis. Dont ne fait pas partie
l’envoi de messages.C’est l’une des grandes différences avec le dossier du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell, qui représente surtout le monde du jeu vidéo), qui avait
obtenu en avril l’autorisation d’automatiser sa campagne de prévention. ‘ Le message était envoyé par le Sell lui-même [sans passer par des FAI,
NDLR] à des personnes en train de mettre à disposition des fichiers, sans conservation de données, ni identification ‘, note Christophe Pallez.Sur le volet répressif, la Cnil le reconnaît elle-même, la décision a été plus ‘ délicate à prendre ‘, car relevant moins d’une confrontation avec des textes de loi que
d’une appréciation de la situation. A savoir que ‘ le dispositif va trop vers la surveillance ‘ et ne respecte par le principe de proportionnalité des moyens par rapport aux objectifs visés. La Cnil
craint notamment que le système ne se traduise par une ‘ collecte massive de données à caractère personnel ‘, essentiellement d’adresses IP.L’industrie du disque avait aussi indiqué à la Commission à partir de combien d’infractions constatées chez un internaute (c’est-à-dire de fichiers mis à disposition) elle déciderait d’engager des poursuites.
‘ Ils avaient des critères quantitatifs extrêmement précis, mais nous ne les avons pas jugés adaptés, commente Christophe Pallez. Selon certains observateurs, ils auraient en fait visé trop large. En plus,
l’industrie du disque se réservait le droit de faire évoluer ces critères. ‘
Recours probable au Conseil d’Etat
Pour les intéressés, c’est évidemment la déception. Mais aussi la surprise. Notamment concernant l’analyse sur la conservation des données. ‘ On a dit à la Cnil que nous détruirions tout, que nous ne conserverions
que le temps de monter un dossier, insiste Marc Guez, délégué général de la SCPP, car on ne peut pas se présenter devant un tribunal sans éléments de preuve de ce qu’on avance. ‘Il reste toujours à l’industrie du disque la possibilité de contester la décision de la Cnil devant le Conseil d’Etat. Une initiative ‘ probable ‘, selon Marc Guez. Mais les intéressés
préfèrent attendre plus d’informations et de mieux analyser la décision.A l’inverse, plusieurs associations se disent satisfaites du refus de la Cnil. L’Association des audionautes, la ligue Odebi, mais aussi la Spedidam (Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la
musique et de la danse). ‘ On s’écrie depuis un an que les poursuites en justice d’internautes vont conduire à escamoter les libertés individuelles et la Cnil conclut justement à ça ‘, explique-t-on à
la société de gestion de droits d’interprètes.Le refus de la Cnil fait maintenant planer le doute sur d’autres initiatives. D’abord sur le récent accord entre FAI et industrie du cinéma sur la
‘ riposte graduée ‘, qui prévoit aussi l’envoi de messages aux internautes en passant par les fournisseurs d’accès. Voire sur le dossier du Sell (Syndicat
des éditeurs de logiciels de loisirs). Le syndicat a suspendu sa première campagne automatisée pour cause de changement de prestataire et a dû redéposer un dossier. Même politique, même dispositif, seul le prestataire change, assure le syndicat. La
décision devrait tomber avant la fin de l’année.
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