Le gouvernement taïwanais a consenti à lever la plupart des restrictions qui pesaient encore sur les investissements de ses entreprises en Chine continentale, permettant ainsi l’accélération d’un processus déjà largement engagé. Les dernières restrictions en place concernent la sécurité nationale, le nucléaire, les infrastructures majeures, et ne devraient pas gêner les entreprises taïwanaises.Cette décision a été prise unilatéralement, fin novembre, par la capitale taïwanaise, Taipei, sans concertation avec Pékin, sous la pression des industriels locaux qui subissent de plein fouet la crise mondiale des nouvelles technologies ?” secteur de prédilection de l’économie de l’île ?” ainsi que le ralentissement des économies américaine et japonaise, ses deux premiers clients. Taïwan connaît ainsi la première récession de son histoire, avec une croissance négative d’au moins 2 % cette année, largement due à un effondrement de ses exportations.
Happés par la Chine
Pour les entreprises taïwanaises, la Chine continentale apparaît dès lors comme une planche de salut, à la fois pour réduire des coûts de production, désormais trop élevés sur l’île et toujours aussi bas sur l’autre rive, mais aussi comme débouché à leurs produits sur le mythique marché chinois. Les Taïwanais sont déjà les premiers investisseurs étrangers en Chine, avec environ 60 milliards de dollars (66,5 milliards d’euros) investis, et plusieurs centaines de milliers, voire un million, de Taïwanais travaillant et vivant dans ce pays. Ils y ont l’avantage de la langue et de la culture, et le pouvoir chinois, pour des raisons politiques liées à ses visées sur Taïwan, favorise leur implantation. Pour Christophe Laurent, un consultant français installé à Taipei, la levée des restrictions devrait permettre d’atteindre les 100 milliards de dollars d’investissements d’ici à deux ans.Le verrou qui vient de sauter est double : il porte sur l’abolition du plafond d’investissement de 50 millions de dollars imposé jusqu’ici, d’autre part sur les produits dont la délocalisation était interdite, comme les assistants personnels, dont Taïwan est le premier producteur mondial, les téléphones portables, les lecteurs de DVD… Sans perdre de temps, plusieurs entreprises de l’île ont annoncé des projets d’investissement en Chine continentale : Quanta Computer, le numéro 1 taïwanais des fabricants d’ordinateurs portables, fournisseur de Dell, Compaq ou Hewlett-Packard, compte délocaliser à Shanghaï près du tiers de sa production l’an prochain. Compal et Acer, deux autres grands noms du secteur, déplacent eux aussi une partie de leur production. Dans la téléphonie mobile, Acer a annoncé que tout accroissement de sa production se ferait désormais en Chine continentale, devenue cette année le plus gros marché de portables au monde, plutôt qu’à Taïwan. Cette tendance lourde inquiète les dirigeants taïwanais qui n’ont pas eu d’autre choix que de l’approuver, face à l’état du marché mondial. Ils se rassurent en soulignant que la recherche et le développement restent à Taïwan. Mais, outre la détérioration de l’emploi, ils redoutent que cette interdépendance économique croissante réduise leur marge de man?”uvre politique. À Pékin, on se frotte les mains : la bonne affaire économique se double en effet d’un bon coup politique.
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