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La certification des éditeurs, coup de pouce ambigu à l’embauche

Si arborer une certification sur son CV peut attirer l’?”il du recruteur, elle ne fera la différence avec un autre candidat qu’à certaines conditions.

Les certifications servent surtout aux écoles qui ne parviennent pas à être habilitées à délivrer un diplôme d’ingénieur ‘, lançait le directeur d’une école d’ingénieurs. Ainsi donc, délivrées dès l’enseignement supérieur, ces certifications ?” sortes de labels attestant, après examen, de la maîtrise des technologies et produits de tel ou tel éditeur ?” seraient utilisées devant un employeur pour enjoliver un diplôme peu prestigieux. Vile jalousie d’un directeur d’école qui craint la concurrence de ces labels ? Pas vraiment, personne n’envisageant sérieusement de mettre au même niveau certification et titre d’ingénieur. Mais ce jugement sévère s’appuie sur une méfiance somme toute légitime : la certification, c’est l’informaticien utilisé comme panneau publicitaire pour les produits concernés. Lorsque Microsoft propose aux écoles d’engager leurs étudiants dans le parcours de certification à ses technologies, personne n’est dupe, même parmi les centres agréés par l’éditeur. La grande part de prosélytisme de cette initiative n’échappe à personne.

Un bel argument commercial pour les SSII

C’est le cas pour l’Epita (Ecole pour l’informatique et les techniques avancées), qui prépare depuis peu ses trois cents étudiants de la filière Epitech à la certification Microsoft. ‘ Nous avons beaucoup de mal à accepter les offres de programmes des éditeurs. Nos cours sont déjà bien remplis. Nous ne pouvons pas y ajouter tout et n’importe quoi ‘, explique Laurent Trébulle, responsable des relations avec les entreprises. L’école a dû passer un accord avec l’éditeur pour adapter le programme de certification aux exigences de la scolarité. Une étape assez longue, où chacun espère trouver son compte. Avec pour souci, côté Epita, ne pas laisser ses étudiants se faire ‘ cannibaliser ‘. Reste que la formule procure quelques avantages.
A priori, un candidat certifié Lotus Professional (CLP), Cisco Internetwork Expert (CCIE), Microsoft Systems Engineer (MCSE) ou autres présente en effet une garantie. Il peut justifier de ses connaissances d’une technologie, là où une formation dispense d’abord des notions générales. De son côté, le recruteur peut valider plus facilement les compétences techniques du postulant. Dans le flou ?” toujours savamment entretenu ?” du libellé d’un CV, la certification fait office de repère solide et concret. ‘ Pour nos clients, la certification fait la différence ‘, assure Sylvie de Amorin, responsable de la formation chez Expectra, spécialiste du travail temporaire d’experts.
Dans les sociétés de service et les revendeurs, la certification constitue également un bel argument, mais commercial. Et, dans tous les cas, elle a le mérite de prouver que l’informaticien a poussé un peu plus loin son apprentissage. Un niveau d’exigence avec soi-même appréciable au moment d’une embauche. Encore faut-il être crédible. D’où certaines précautions à prendre.

Mieux vaut suivre plusieurs types de cursus

‘ Nous avons bien de mal à faire le tri entre les différentes compétences que les certifications recouvrent ‘, avoue Richard Lecomte, directeur général du cabinet de recrutement MRI Worldwide. Sans parler des pages entières de CV que certains candidats leur consacrent… ‘ De véritables menus de restaurant chinois. ‘ Si la certification est un plus, comme le reconnaît à peu près tout le monde dans le milieu du recrutement, elle ne dit rien sur les projets menés par les candidats, leur complexité et le niveau d’intervention.
Pour Xavier Laplaze, directeur général de la SSII Inexware (qui prépare aux certifications Lotus et IBM), la formule commence à avoir un sens lorsque le candidat a passé plusieurs examens dans une même filière. ‘ Sinon, cela ne signifie rien. Quelqu’un qui se présente à nous en disant : ” J’ai une certification Lotus”, ça nous fait rire. ‘
Les éditeurs multiplient ainsi les cursus, distinguant les certifications pour administrateurs, développeurs, vendeurs, voire utilisateurs (lire encadré Questions/ Réponses), avec plusieurs spécialisations possibles. Mais le passage d’un examen aurait une légère tendance à tourner au bachotage. D’autant que les épreuves prennent souvent la forme de QCM (questionnaire à choix multiples). Un candidat qui s’exerce quelques semaines de façon intensive sur des tests blancs pourra alors décrocher un label, quel que soit son parcours. Car, d’un point de vue strictement formel, le passage d’une certification n’exige aucun diplôme spécifique ou expérience préalable. ‘ Le principe peut, en effet, sembler douteux ‘, admet Xavier Laplaze. Et s’il suffit d’un bon entraînement, ‘ il peut y avoir banalisation des certifications ‘. Une tendance qui ?” certains le craignent ?” risque de s’accentuer avec la pénurie d’informaticiens. Puisque les recruteurs veulent aller vite, un label dans le coin du CV peut faire illusion au début. Le temps du recrutement. ‘ Aujourd’hui déjà, un ingénieur avant-vente qui en a les moyens se paie le passage d’une certification sans problème, explique Francis Nourrisson, directeur du bureau de MRI à Boulogne. Mais ça ne prouve pas qu’il sait mettre en ?”uvre un projet de migration sous NT, par exemple. ‘ Seule condition, donc : s’acquitter du prix du passage du test. Du moins sur le papier. La réalité n’est jamais aussi simple.

Veiller à la bonne adéquation avec son profil

En effet, la plupart du temps, les sociétés qui préparent aux examens (spécialistes du recrutement, de l’intérim, de la formation, et entreprises) et élaborent des parcours de formation tiennent quand même à ce que la certification corresponde au profil du candidat et à un projet professionnel. Ne serait-ce que pour une question de crédibilité ou de simple bon sens. Expectra, par exemple, exige au minimum de la part des informaticiens qu’elle prépare aux certifications MCP et MCSE un niveau bac + 2 en informatique, réseaux ou télécommunications, ainsi qu’une expérience en administration et support.
Et l’influence sur les salaires, dans tout cela ? Les avis sont partagés. Pour certains, les certifications pèsent clairement dans la négociation salariale. Pour d’autres, elles ne doivent pas avoir de valeur commerciale. ‘ C’est juste la concrétisation d’un niveau atteint ‘, résume Laurent Trébulle, à l’Epita. Une certitude, en revanche : se faire certifier revient à entrer dans un engrenage. Le label n’a, en effet, de valeur que jusqu’à la nouvelle version du produit correspondant, et aux nouvelles technologies à connaître. Pour rester à jour, pas d’autre solution que de repasser l’examen, actualisé. Avec ce que cela implique d’investissement en temps et en argent. Au moins pourra-t-on admettre, dans ces conditions, que la certification suppose une remise en cause régulière. Ce n’est déjà pas si mal.

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Arnaud Devillard