L’action Microsoft a repris quelque 40 % depuis le sursaut du Nasdaq. Le titre est-il désormais à son prix ? En décembre dernier, Microsoft cotait 42 dollars [47,87 euros, ndlr], ce qui était manifestement sous- évalué. Je peux concevoir aussi qu’à 120 dollars, fin 1999, la valeur était un peu chère. En fait, autour de 70 dollars ?” contre 60 ces jours-ci ?” le titre se situe à un assez bon niveau. La croissance ne sera sûrement pas, à l’avenir, de l’ordre de celle des derniers exercices. D’un autre côté, les résultats vont continuer à progresser et le fond du business est solide, donc le titre possède encore un bon upside [potentiel de progression, ndlr].Considérez-vous que votre cours en Bourse a été massacré par les marchés financiers ? Non, ce serait excessif. Mais nous n’avons jamais habitué la communauté financière à un rythme durable d’une croissance mirobolante des bénéfices. Certes, notre dernier profit warning [alerte sur résultats, ndlr] remonte à décembre 2000. Mais contrairement à d’autres sociétés du secteur nous n’avons jamais affiché de prévisions durables de 40 % l’an. Les marchés financiers vous semblent-ils susceptibles de repartir fortement à la hausse ? Je ne pense pas que l’on assiste à un rebond en forme de courbe en ” V “, mais plutôt à un ” U ” évasé. Je ne suis même pas certain que l’on ait touché le fond. L’important, c’est que les marchés ne reproduisent pas une bulle financière. Ce qui me donne confiance, c’est la capacité des autorités américaines à réagir vite, presque instantanément, aux signaux de la conjoncture. Alan Greenspan [le président de la Réserve fédérale, ndlr] a formidablement géré son affaire, en agissant toujours au bon moment. Peut-on en dire autant de la Banque centrale européenne (BCE) ? Pour le dire pudiquement, le Vieux Continent fait son apprentissage d’une vie à quinze. Les Américains en sourient un peu. Pour de mauvaises raisons parfois, car il ne faut pas se cacher que les États-Unis sont assez jaloux, voire même inquiets, de la construction européenne. Mais il reste que la Banque centrale européenne aurait dû intervenir plus rapidement et plus fréquemment. Les analystes ne voient pas tous d’un très bon ?”il la stratégie de Microsoft dans les services internet, qui risque de l’entraîner sur un terrain moins rentable… Nous avons bien conscience que nous ne pourrons pas toujours conserver des marges de 40 %. Nous ne pensions d’ailleurs pas que nos marges se maintiendraient à ces niveaux jusqu’à aujourd’hui. Nous y sommes donc préparés. Et nous ne ferons pas n’importe quoi pour sauvegarder une rentabilité qui fasse plaisir aux analystes. Nous ne sommes pas prêts par exemple à abaisser notre effort dans la recherche-développement ?” de l’ordre de 17 % du chiffre d’affaires ces dernières années. Nous ne sacrifierons pas non plus des salariés pour alléger nos charges. Même s’il est probable que le nombre net d’embauches devrait ralentir.Votre politique d’investissement dans les technologies, ces dernières années, n’a pas vraiment porté ses fruits. Microsoft a perdu beaucoup d’argent depuis le krach boursier de mars 2000…Moins que d’autres ! Dès mon arrivée à la tête des finances du groupe, j’ai mis en place une politique de couverture financière, à base de produits dérivés, qui a permis de limiter les moins-values de nos participations dans les sociétés cotées. Rétrospectivement, il est vrai que tous nos investissements n’ont pas été judicieux. Nous avons pris un strapontin dans des sociétés d’avenir, de manière à être en contact direct avec des activités qui nous paraissaient prometteuses. Nous aurions parfois pu remplir cet objectif en dépensant moitié moins. Mais c’est facile à dire après-coup. Cela dit, nous avons aussi fait de très bonnes affaires. L’investissement de 12 millions de dollars dans UUnet [spécialiste des services internet pour entreprises, ndlr] vaut encore autour de 100 millions. Êtes-vous toujours investisseur dans la net économie ? Oui, et toujours dans une optique stratégique et non spéculative. Après le câble, la télévision par satellite, mais aussi le téléphone, les PDA [Personal Digital Assistants, assistants numériques personnels, ndlr], les tablettes PC et le jeu vidéo nous intéressent. Mais nous ne sommes pas un capital-risqueur. Nous ne jouons pas non plus à l’incubateur comme Intel. Nous nous concentrons sur des secteurs et des entreprises dont nous pensons qu’ils peuvent avoir un lien industriel avec notre stratégie.L’Europe est-elle un terrain d’investissement prioritaire ? L’Europe est importante, nous y sommes déjà présents, dans le câble notamment. Nous venons d’ailleurs d’y installer, à Londres, un bureau chargé des fusions et acquisitions. C’est une première chez Microsoft, mais nous allons en créer un également en Asie. L’idée est précisément d’être un peu plus pointus, un peu plus rigoureux dans l’exigence de retour sur investissement. Où en est l’opération de rachat du bouquet satellitaire américain Direc TV, que vous menez avec Rupert Murdoch, le patron du groupe de médias Newscorp ? Il reste encore un certain nombre de pas à franchir, ce n’est pas fait. L’accord bute pour l’instant sur la question du prix, en rapport avec l’aménagement qui doit être fait à General Motors. Pour des raisons fiscales et juridiques, le groupe doit garder un pied dans Direc TV, ce qui complique le deal. Mais je dirais que l’opération a plus de 50 % de chances de se conclure d’ici à six mois.
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