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La banque sous blister est née

La grande distribution s’attaque aux services bancaires, avec ses réflexes d’épiciers et une stratégie multicanal.

C’était difficilement imaginable et, pourtant, “ils” ont osé placer une offre de prêt à la consommation en rayon de supermarché. Sous blister ! “Ils” ? La Banque Accord, filiale d’Auchan.Ce petit établissement établi à Lille, qui a également lancé une offre de crédit immobilier en ligne, s’explique : “Nous nous sommes rapidement rendu compte qu’il est possible de combiner harmonieusement les avantages de l’e-banque (coût de gestion faible) avec ceux d’un réseau traditionnel (faible coût d’acquisition du client), fût-il d’hypermarchés, explique Damien Guermonprez, directeur général de Banque Accord. Pour nous, le principal écueil consiste à éviter de reproduire en magasin le modèle de la banque traditionnelle. Il faut innover.” En l’occurence, emballer des propositions de crédit dans un “papier cellophane”, les glisser dans un rayon de supermarché et permettre au client d’y souscrire à son domicile.

Capteurs de flux de clientèle

Le constat s’impose : les grands distributeurs ont décidé de piétiner les plates-bandes des banques, qu’elles soient classiques ou en ligne. Comme l’indique Thierry Candidat, directeur général-adjoint et directeur marketing de Finaref, filiale du groupe Pinault Printemps Redoute (Fnac, Conforama, La Redoute, etc.), “les produits bancaires sont de plus en plus banalisés. Les banques, elles-mêmes, distribuent des produits fabriqués par certains de leurs concurrents, tels des FCP. Les distributeurs se sont aperçus qu’ils sont de formidables capteurs de flux de clientèle”.Une position stratégique qu’ils n’hésitent pas à exploiter puisqu’ils disposent souvent de vastes fichiers, connaissent les habitudes de consommation de leurs clients et, de plus, cherchent perpétuellement à accroître le volume de leurs ventes, pour compenser des marges rabougries par une féroce concurrence. La vente de crédit à la consommation, très liée à leur activité de distributeur, ne suffit plus à apaiser leurs appétits.À l’origine, les distributeurs s’étaient surtout efforcés de faciliter la vie de leurs clients, en tout cas leurs paiements, en instaurant des cartes dites “privatives”. La naissance de ces cartes de paiement non bancaires avait l’énorme avantage, au départ, de limiter le volume des paiements en cash. Ce n’était qu’un début. “Pour le moment, lâche Gérard Parpaillon, directeur général des services financiers Carrefour, nous menons une réflexion pointue sur l’opportunité de proposer une Carte Bleue à nos clients. Après plus de vingt ans de carte privative, ce ne serait pas illogique. Nous préparons aussi un site internet qui sera le prolongement de l’offre multicanal (Minitel, centre d’appels, serveur vocal, 214 stands financiers en magasin) mise à la disposition de nos clients. Ce n’est plus qu’une question de mois.”Le groupe Finaref, de son côté, teste aussi une offre Carte Bleue et, surtout, prépare activement la mise sur orbite ?” dans un délai de trois à quatre mois ?” de Banque Finaref ABN Amro, chargée de commercialiser des produits d’épargne auprès des clients du groupe PPR.

La “nécessaire” simplicité

Les équipes commerciales sont prêtes, les systèmes informatiques tournent. Tous les acteurs de ce nouveau match s’accordent cependant sur la nécessité impérative de diffuser des produits bancaires simples. “L’irruption des distributeurs dans le secteur bancaire ne constitue pas une menace particulière, estime André Coisne, directeur général d’ING Direct. Ils vont accaparer une petite part de marché et devenir des acteurs importants. Importants, mais pas prépondérants”.Atout pour intervenir dans les services financiers, la simplicité deviendra vite un handicap. “La banque est un autre métier, souligne Isabel Boni, directrice générale de Discountis. Il faut gérer le bilan bancaire, le refinancement, etc. Les distributeurs n’ont généralement pas cette compétence, mais possèdent une culture de la relation commerciale. À terme, on pourrait très bien imaginer un joint-venture entre un distributeur et une banque !” À moins que ces services financiers ne deviennent de vraies banques. C’est le rêve de Damien Guermonprez pour “sa” Banque Accord. Il n’est sûrement pas le seul à rêver.

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Michel Gassée