Pas si simple d’ouvrir un service aussi complexe qu’une banque en ligne. L’intégration entre front office/back office y joue un rôle critique et l’expérience de “Ze Bank” tend à prouver que de tels projets informatiques peuvent rapidement tourner au cauchemar. Dans ce difficile exercice, la banque hollandaise a élaboré une recette qui semble lui réussir : le clonage ! Puissante institution fi-nancière hollandaise, ING a décidé voici quelques années de mettre en place une offre, destinée au grand public, basée sur des concepts simples : un produit d’épargne à 5 % et pas de guichet. C’est au Canada que le Hollandais ouvre sa première banque à distance en 1998. “Attention toutefois, il n’est pas question d’être une e-Bank, tous les canaux de la VPC (internet, téléphone et Minitel pour la France) doivent être exploités“, prévient André Coisne, directeur général. Illustration de cette stratégie : des distributeurs de billets ING Direct sont en cours d’installation chez 450 commerçants au Canada. En effet, l’offre n’est rentable qu’en augmentant au maximum le nombre de comptes ouverts, et donc les dépôts.
Une démarche mondiale
Jusqu’ici rien de bien original, si ce n’est que la démarche mise en ?”uvre est tout simplement mondiale : ING engrange de l’expérience sur son premier site canadien et décide d’en dupliquer la plate-forme en Australie puis en Espagne. L’Australie, où ING dispose déjà d’une filiale, doit tout de même intégrer l’existant. En revanche, en Espagne, la mise en place est réalisée en 10 mois. Et quand ING annonce qu’il reproduit un modèle, c’est bien de clonage qu’il s’agit : même produit financier, même campagne de communication, même informatique. Ce sont effectivement les mêmes briques logicielles, les mêmes serveurs qui sont déployés en Espagne. Le mot d’ordre : la vitesse d’exécution. La banque a passé des accords cadres avec ses fournisseurs (Cisco pour le matériel réseau ; IBM pour les serveurs Unix ; Dell pour la bureautique ; Sanchez pour le back office financier et IMA pour le centre d’appels). Ainsi, les délais de livraison sont réduits. Même chose chez les prestataires de services lorsque cela est possible.
10 mois en Espagne, 7 mois en France, et on pense pouvoir faire mieux
Après l’Espagne, c’est donc au tour de la France de lancer “son” ING Direct. La décision de s’implanter est prise en août 1999. Le groupe fixe alors à son directeur général, André Coisne, l’objectif d’ouvrir la banque française à la mi-avril. Immédiatement, le modèle est appliqué à la lettre. La SSII DMR Consultants, qui avait participé au lancement de la filiale espagnole, est chargée de l’architecture informatique, sous la direction ferme des Hollandais.Le bâtiment où ING a choisi d’implanter sa filiale, à Fontenay-sous-Bois (94), voit livreurs de matériel informatique et prestataires techniques se bousculer dans une ambiance digne d’une start-up. Sur un même plateau cohabitent les machines de développement, les informaticiens, mais aussi le DRH qui fait passer des entretiens, le directeur financier qui négocie les accords financiers d’une banque qui part de zéro sur le territoire français. DMR, pour sa part, choisit de laisser à demeure une équipe réduite, 4 puis 5 personnes. “Lorsque les délais sont très courts, il est impossible de gérer les variations de charge d’une équipe“, précise Christophe Bitner, chargé du projet chez DMR. Parmi les autres équipes présentes, la mise en place du CRM occupe à elle seule 25 personnes. André Coisne a fixé la date limite du 21 mars avec ses équipes. “Le facteur temps était extrêmement important pour nous ; mettre ainsi les gens sous pression est un moyen de les rendre plus efficaces !” Le jour J, l’équipe DMR peut sabler le champagne ; la banque est fin prête et peut commencer à signer avec ses premiers clients. Ses objectifs sont à la hauteur des montants investis. ING Group va en effet injecter 100 ME sur trois ans dans sa filiale.Les délais sont tenus, puisque là où l’Espagne avait mis 10 mois, la France a ramené ce délai à 7 mois. Chez DMR, on pense pouvoir faire encore mieux. Le prestataire, qui s’attelle aujourd’hui à la mise en place du site italien, estime possible de ramener ce délai à 3 ou 4 mois, temps incompressible du fait des déclarations administratives nécessaires à la création d’une banque.
L’externalisation est prônée, mais s’avère limitée
Outre les gains réalisés sur les courbes d’expérience des prestataires, les sites précédemment déployés doivent bénéficier des améliorations apportées au modèle lors de la dernière mise en place. Aujourd’hui, l’heure est à l’optimisation des procédures. Alain Coisne vise notamment le “zéro papier”. Tous les éléments envoyés par les clients de la banque, notamment les chèques, sont numérisés et doivent être accessibles sur les écrans des opérateurs du centre d’appels. Le courrier et la numérisation des documents sont assurés par des prestataires extérieurs, mais l’attitude de la banque vis-à-vis de la sous-traitance informatique reste encore prudente : impossible d’externaliser le centre d’appels jugé stratégique. Une filiale de France Télécom assurera uniquement les périodes de surcharge. Quant à recourir à un hébergeur pour son infrastructure informatique, André Coisne s’exclame : “Nous sommes une banque !“.
3 MdF en 5 mois
Accompagné par une campagne de communication originale, le démarrage du site semble réussi : 20 000 comptes ouverts pour 3 MdF (457,3 Me) de dépôt fin août, donc en 5 mois d’exploitation. L’objectif de 50 000 comptes pour 4 à 5 MdF (609,8 à 762,2 Me) de dépôt pour la première année est réalisable. Premier retour d’expérience, le succès de la mixité des canaux. Un tiers des clients a pris contact avec la banque par téléphone, un tiers via internet et enfin, le dernier tiers par envoi de coupons. Les prochaines étapes du plan de marche de la banque hollandaise concerneront la mise en place des sites italien puis américain. Qui empêchera donc les clones ING Direct d’envahir la planète ?
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