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La banque dorlote ses téléacteurs

Plus de 10 000 personnes travaillent dans les centres d’appels bancaires français. Pour fidéliser ces précieux relais et recruter davantage, les réseaux jouent la carte du long terme.

Alors que les statistiques du chômage se dégradent, certaines banques peinent à dénicher un personnel qualifié pour leurs centres d’appels. Le paradoxe apparaît d’autant plus cruel que les banquiers investissent beaucoup d’énergie et des millions d’euros pour bichonner leurs clients, notamment en bâtissant de coûteux outils de GRC (gestion de la relation client). “Le marché reste tendu pour trouver des CV de qualité“, déplore ainsi Philippe Zawada, directeur clientèle France de Cortal, “ la” société qui a inauguré la banque par téléphone en France, dès 1984. Le recrutement se révèle surtout très délicat en région parisienne, et débouche sur des turn-over annuels pouvant atteindre jusqu’à 50 % du personnel, contre environ 5 % en région. Chez BNP Paribas, qui a lancé ses plateformes téléphoniques de Tolbiac et d’Orléans en juillet 2001 (200 personnes au total), on admet volontiers “ qu’il faut être performant dans la qualité des offres d’emploi, parce que ces métiers sont recherchés par nos concurrents“. La banque prévoit d’ailleurs systématiquement un CDI, à temps plein ou partiel, pour ses nouvelles recrues. Président du directoire de Zebank, Olivier de Montety affirme ne pas rencontrer ce type de problème : “Quand vous proposez une formation de qualité, une intégration dans une équipe bien dirigée et dotée d’une vision, une rémunération attrayante et un vrai métier, lance-t-il, le recrutement ne pose pas de problème. Et il n’y a pas de “turn-over”, ou presque.

Vases communicants

Les grands réseaux bancaires français disposent cependant d’un vivier privilégié de recrutement : leurs centaines d’agences. Ainsi, le Crédit agricole Sud-Rhône-Alpes a choisi de transférer une partie du personnel excédentaire du réseau vers le centre d’appels ; sans vouloir toutefois communiquer le nombre de personnes concernées. “Pour nous, expliquait Raymond Biglia, chef de projet BAM (banque à accès multiple) au Crédit agricole, lors du salon Sibank 2001, les téléconseillers exercent le même métier que les employés au guichet. Et si nous rencontrions un certain manque de mobilité d’une agence à l’autre, nous n’avons pas eu beaucoup de difficulté à trouver des volontaires pour notre centre d’appels.” Confronté à un besoin similaire de gérer au mieux les excédents de personnel dans son réseau ou son back-office, le Crédit du Nord a également choisi d’aiguiller certains employés vers l’un de ses trois centres d’appels, à Paris, Lille ou Douai. “ Lors de la création du premier centre en 1998, explique Christian Deregnecourt, directeur de l’exploitation de la banque à distance, les collaborateurs que nous avions contactés pour occuper une fonction de téléacteur se méfiaient un peu. Ce n’est plus le cas maintenant. Au contraire : nous gérons même une quantité de demandes spontanées émanant d’employés du réseau.” L’explication est simple : passer par un centre d’appels peut doper une carrière. Après une expérience de 3 ans en moyenne, les téléacteurs du Crédit du Nord peuvent retourner vers le réseau d’agences et y occuper une fonction commerciale, plus intéressante que leur ancien poste de guichetier. “ La maîtrise des outils informatiques et leur capacité à gérer le contact client leur confèrent un vif intérêt auprès du réseau“, insiste le directeur de l’organisation de la banque à distance.

Former pour fidéliser

Dans les centres d’appel, en tout cas, les banques affirment leur volonté de fidéliser les meilleurs éléments. “Ce n’est pas un hasard si nous engageons des téléconseillers de niveau bac +2, si nous les rémunérons correctement et si nous leur offrons une formation de deux mois aux métiers bancaires, argumente-t-on chez BNP Paribas. Et après 2 ou 3 ans, les portes du réseau leur seront ouvertes. “En clair, il s’agit d’offrir au futur téléacteur à la fois une formation au métier de banquier et… une porte de sortie ! Chez Zebank, la formation de base s’étend sur cinq semaines. Et tous les postes d’encadrement sont réservés à l’interne“, ajoute Olivier de Montety.Vétéran dans le secteur, Cortal se contente d’une formation de trois semaines (produits bancaires, gestion du stress, etc.), mais insiste sur sa volonté de fidéliser un personnel à bac +2 ou +4, malgré un recrutement basé à 80 % sur du personnel intérimaire. “ Après 2 ou 3 mois, indique Philippe Zawada, on propose généralement un CDD, qui sera suivi rapidement par un CDI.” Hasard ou pas, Cortal a connu des taux de turn-over importants ces derniers mois.

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Michel Gassée