Géolocalisation, suivi des personnes, connexion Bluetooth entre téléphones intelligents, QR code… De nombreuses technologies existent pour tenter de gérer l’après confinement. Quelle sera celle choisie par les pays de l’Union européenne (UE) ? L’enjeu est complexe puisqu’il s’agit de respecter le cadre strict du RGPD qui garantit la protection de la vie privée des citoyens européens.
« Ce n’est pas notre culture »
Même si les rumeurs vont bon train, pour l’instant le Commissaire européen pour le Marché intérieur, Thierry Breton a assuré dans la matinale de France Inter que « traquer » les Européens n’était pas l’ordre du jour.
« Je ne pense pas que cela se mettra en oeuvre en Europe. Ce n’est pas dans notre culture. »
Pour l’instant, il a seulement été demandé par la Commission qu’un « opérateur par pays fournisse » les données sanitaires liées à la crise du Covid-19 afin de vérifier que le « confinement est bien respecté », de pouvoir « gérer les stocks » et « anticiper les pics » dans les hôpitaux européens.
Les supports technologiques pour l’instant ne sont néanmoins pas exclus de la discussion. En visioconférence avec les eurodéputés, le 2 avril, le Commissaire a insisté sur la solidarité – maître mot de ses interventions.
Thierry Breton a rappelé que tous les moyens technologiques et scientifiques sont mobilisés pour répondre à la crise. Les pistes ?
« Des robots pour nettoyer les hôpitaux », « des intelligences artificielles pour modéliser le génome du virus » ou encore « mettre en commun les recherches pour trouver un vaccin ».
Le temps de la Commission se conjugue au présent, mais le secteur de la recherche est mobilisé.
La PEPP-PT, un consortium d’initiative privée
Pourtant, les initiatives privées fleurissent. D’après Reuters, un consortium de scientifiques européens s’est constitué le 31 mars. Le Pan-European Privacy Preserving Proximity Tracing (PEPP-PT) rassemble 130 chercheurs de huit pays différents pour développer des applications qui aideraient à lutter contre la propagation du Covid-19.
Selon le site de l’organisation constituée en société sans but lucratif en Suisse, « le PEPP-PT a été créé pour apporter une solution à cette crise qui respecte les lois et principes européens forts en matière de protection de la vie privée et des données ».
L’idée est « maximiser » les possibilités technologiques tout en « protégeant entièrement la vie privée » et d’en faire profiter « tous les pays ».
Le tracing contact, privilégié par cette organisation paneuropéenne, semblerait être un des outils les plus respectueux du respect de la vie privée. Cette techno consiste à faire communiquer entre eux les smartphones via leur module Bluetooth afin de savoir si une personne a été en contact avec quelqu’un testé positif.
Ce sont des espèces de « poignées de main » virtuelles entre téléphones qui informent leur propriétaire sur l’état de santé des gens qu’il croise. C’est la technologie qui a été utilisée à Singapour grâce à l’application Tracetogether.
« Notre responsabilité »
L’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) est la seule organisation française pour l’instant impliquée dans cette initiative conjointe.
« Notre responsabilité d’institut de recherche public est d’apporter notre contribution pour explorer les voies scientifiques et technologiques, avec nos partenaires européens, y compris sur des sujets nouveaux comme le “tracing contact”, car ils posent des vrais sujets, par exemple pour le respect des cadres de privacy telle qu’on la conçoit en France et en Europe », explique Eric Fleury, directeur de l’Inria. Avant d’abonder : « Nous sommes pleinement mobilisés pour aider dans la lutte contre le virus et essayons de comprendre ce qui est jouable scientifiquement, d’explorer les possibles dans notre rôle d’institut de recherche ». De son côté, Hans-Christian Boos, fondateur de la société d’automatisation des entreprises Arago confirme cet « objectif » – malgré le refus des autorités européennes.
En plus d’entreprises privées, le consortium est également composé d’universités techniques, comme celle de Berlin ou de Dresde. Aujourd’hui, la majorité des acteurs impliqués sont allemands. Même si Vodafone, le 3e opérateur télécoms dans le monde dont le siège social est situé au Royaume-Uni fait partie du PPE-PT.
Malgré ces encouragement à se rassembler, les initiatives nationales se multiplient. Bloomberg rapportait, le 1er avril, que l’Allemagne et la France négociaient directement, chacune de leur côté, avec l’entreprise Palantir, spécialisée dans les logiciels. En France, le site des Échos confirmait le même jour que le gouvernement français préparait « une appli mobile pour enrayer l’épidémie ».
« Pas une ligne de code n’est écrite »
« Nous en sommes au stade de l’évaluation du besoin. Nous attendons que les épidémiologistes se prononcent sur la pertinence d’une telle solution », a expliqué au journal économique l’entourage du secrétaire d’État au Numérique, Cédric O. « On étudie ce qui se fait ailleurs, notamment à Singapour, mais aussi au Royaume-Uni et en Allemagne. Pour le moment rien n’est en place. Pas une ligne de code n’est écrite. Mais beaucoup de choses existent déjà à l’étranger. Si nous avons une commande éclairée du comité scientifique, il nous faudra au moins une dizaine de jours pour lancer une appli. »
Une déclaration confirmée par le Premier ministre Edouard Philippe devant les députés, le soir du 1er avril. La sortie du confinement « dépendra d’éléments dont nous ne disposons pas entièrement aujourd’hui », comme la découverte de « traitements éprouvés » ou « la mise au point de tests sérologiques fiables, le taux d’immunisation de la population… »
Selon lui, il est « probable que nous ne nous acheminions pas vers un déconfinement général et absolu en une fois, partout et pour tout le monde », a-t-il concédé. Il pourrait être « régionalisé, voire organisé par classes d’âges ».
Une application serait ici un des moyens envisagés, mais « rien n’est arrêté pour l’instant ».
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