L’évolution pousse à la complexification des organismes, c’est l’un des enseignements de la théorie de Charles Darwin. L’informatique n’a pas échappé à cette logique, puisque depuis vingt ans, les PC sont devenus de plus en plus puissants, complexes dans leur structure et compliqués à utiliser, laissant des utilisateurs sur le carreau, victimes de la fracture numérique.
A contre-courant de cette implacable logique darwinienne, une petite société française (Substantiel) propose une gamme de PC faciles à utiliser, estampillés Ordissimo, dont un portable de 17 pouces, très sobrement nommé Ordissimo 17 pouces Dual Boot. A l’image de nombreux netbooks, ces machines embarquent un système GNU/Linux maison, dont l’interface a été pensée pour répondre simplement aux besoins des novices et des réfractaires.
Vendre du GNU/Linux pour les débutants, une gageure? Afin de contourner le problème de renom du système d’exploitation (OS), les machines sont souvent proposées avec un double système de démarrage, Ordissimo et Windows Vista. Mais, comme nous le confie Christophe Berly, directeur commercial de Substantiel, «La majorité des clients ne l’utilise jamais. Cela permet de les rassurer ou de rassurer leur entourage lors de l’achat, mais une fois qu’ils ont commencé à utiliser Ordissimo, ils y restent.»
Construit autour de la très vénérable distribution Debian, Ordissimo consiste en une interface graphique développée en interne (selon Christophe Berly) et s’appuyant sur les bases des grands logiciels open source, tels que Firefox, Thunderbird ou OpenOffice. A la différence de nombreuses distributions installées à la hussarde sur certains netbooks, l’effort d’intégration a été poussé, les interfaces des logiciels modifiées afin d’offrir un aspect plus simple, tout en profitant des moteurs performants des logiciels de base.
On retrouve des boutons de grossissement pour les déficients visuels et un mode de gestion des applications monotâches: l’OS empêche l’utilisateur d’être submergé par les fenêtres. Le risque était alors d’avoir trop de temps d’attente dans la bascule d’un programme à l’autre. Pour éviter cela, il utilise une ruse très simple, il lance toutes les applications au démarrage. Si on n’ose imaginer ce que cela pourrait donner sur Vista –du rang de veau il passerait à celui de paresseux neurasthénique–, il est tout à fait réalisable de développer une distribution GNU/Linux légère qui fasse tourner les programmes de la sorte.
On s’attend donc à une bonne réactivité de la machine, le test nous en dira plus. En plus des logiciels libres, on retrouve des applications propriétaires, comme Skype, et des plug-in de lecture de MP3 et de décompression du Mpeg-2 (pour lire les DVD). A l’image de ce que Hercules a fait avec son eCafé, Ordissimo a donc simplifié les démarches des utilisateurs, contraints à des contorsions (installation manuelles, etc.) sous des distributions génériques.
La base matérielle n’est pas le fer de lance de la stratégie d’Ordissimo et pour case : Substantiel ne fabrique pas ses machines et se fournit chez des tiers. Actuellement la marque française à signé un contrat avec HP après être passé par MSI. Dans les fait cela importe peu puisque n’importe machine, même ancienne est capable de faire tourner une distribution si simplifiée.
L’écran de 17 pouces offre une résolution de 1440×900 pixels. Si normalement nous râlerions de la résolution relativement faible, le choix paraît pertinent, puisque l’image affichée sera plus grosse et donc mieux adaptée à un public en général plus âgé. On retrouve aussi un graveur de CD/DVD, le Wi-Fi (802.11 b et g), quatre ports USB 2.0, un port HDMI, la webcam et un lecteur de cartes mémoire. Tout le nécessaire sur une machine récente, on a échappé à la machine castrée et exotique.
Pas exotique mais un élément important de l’appareil a cependant été adapté: le clavier. «Est-il naturel de faire la combinaison “majuscule” et “;” pour faire un simple point? Est-il naturel de faire “Alt Gr” et “0” pour faire le signe Euro?», peut-on lire sur le site d’Ordissimo. Et à moins d’être un Ayatollah, il faut bien reconnaître qu’ils n’ont pas tort. Aussi le dispositif a été simplifié, les touches F1 à F12 supprimées et remplacées par des raccourcis vers des applications, des touches «copier» et «coller» font leur apparition, bref, un vrai effort d’ergonomie.
Une chose est sûre, ce ne sera pas un test facile, car il faudra se mettre «au niveau» du néophyte. Mais le concept est plus qu’intéressant. Avec la multiplication des services en ligne, difficile aux réfractaires de l’informatique d’échapper à un ordinateur de nos jours, et il est important que tout le monde puisse y avoir accès.
Le contexte actuel semble donner raison à Ordissimo: tandis que Vista remporte peu la faveur du grand public (ne parlons même pas des professionnels), les initiatives se multiplient de la part de gros constructeurs pour offrir des machines aux outils simplifiés, de l’eCafé en passant par l’Aspire One ou les Eee PC version GNU/Linux. Avec, dans la majeure partie des cas, le libre au cœur du système.
Quels défauts trouver à cette machine? Sur un plan purement matériel, son prix, soit 999 euros. On peut avoir moins cher et mieux équipé. Mais ce serait sans compter le système d’exploitation, très spécifique et adapté à un public qui ne saurait quoi faire d’une machine de guerre. Un peu comme un Mac, mais pour des utilisateurs encore plus débutants. La comparaison avec Apple ne s’arrête pas là puisque l’OS ne peut être acheté séparément et que tous deux reposent sur des bases «*nix». Il s’agit, en tout cas, d’une bonne idée, que nous attendons avec impatience d’avoir entre nos mains.
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