C’est l’histoire d’un développeur de jeu vidéo qui part en croisade contre un géant vidéoludique : Microsoft, l’entreprise qui possède à la fois la Xbox et, avec Windows, la principale plateforme informatique ouverte au jeu. L’homme s’appelle Tim Sweeney, un vétéran de l’industrie puisqu’il a co-fondé le studio Epic responsable, notamment, des franchises Unreal Tournament ou encore Gears of War. La raison de sa colère et de son combat ? Le nouveau format d’applications de Microsoft, appelé Universal Windows Platform (UWP), un outil qui, selon lui, vise à transformer « l’écosystème PC actuel, ouvert, en un système de distribution et de vente fermé et contrôlé par Microsoft ».
Verrouiller un système ouvert
Dans une tribune du quotidien britannique The Guardian, l’américain âgé de 45 ans délivre une diatribe passionnée contre ce nouveau format d’application UWP. A l’heure actuelle, peu importe que vous achetiez un jeu dans le commerce, sur les plateformes de distribution Steam ou GOG, ou directement auprès des éditeurs tels Electronic Arts ou Ubisoft, les jeux sont tous des applications au format « Win 32 », un type d’installeur vieillissant que Microsoft a décidé de moderniser. Mais selon Tim Sweeney, la mise à jour cache une manœuvre de contrôle de la part du géant américain de la distribution de contenus vidéoludiques.
UWP : une prison technique ?
Selon Tim Sweeney, les apps UWP empêchent « par défaut, le téléchargement par le biais des sites de distributeurs ou d’éditeurs, [empêchent] l’installation ou la mise à jour et la vente (de contenu, ndr) hors du Windows Store ». A la manière des applications par défaut de Windows 10, les paramétrages pour permettre l’installation et le maintien des jeux existent mais le fait que Microsoft les ait « désactivés par défaut, désavantage la compétition de manière injuste ». Et loin d’une pure spéculation, Mr Sweeney prend un exemple actuel d’un système théoriquement ouvert mais pourtant totalement verrouillé : Android.
Google en tant que (mauvais) modèle
Si le système d’exploitation mobile de Google est obligé, « pour se conformer aux obligations du noyau Linux » de permettre l’installation d’applications tierces, en pratique, Google a rendu la manipulation « difficile (à réaliser, ndlr) pour les utilisateurs, en désactivant la fonctionnalité par défaut, en la cachant et en l’offusquant. »
Le système, pourtant ouvert à ses débuts, est en effet quasiment verrouillé par Google, tellement qu’en Occident, le rôle des « stores » indépendants est très marginal. Même Amazon et son app Amazon Underground, avec sa puissance de frappe, ne soutient pas la comparaison avec le Play Store. Seule la Chine avec son gigantesque marché et ses lois protectionnistes permettent l’existence de plus de 200 stores locaux avec un part de marché ridicule pour Google – seulement 4% !
Ce n’est pas le Windows Store que Tim Sweeney dénonce, précisant que « Microsoft a le droit de proposer un app store » dont il pense même « qu’il peut apporter de la valeur aux utilisateurs ». Sa critique cible la stratégie « insidieuse » de structurer son système d’exploitation de manière à « avantager son propre magasin ».
L’appel aux développeurs
La tribune de Tim Sweeney n’est pas qu’un coup de gueule, c’est aussi une invitation à ses confrères à éviter le « piège » du format UWP et à le rejeter en bloc : « nous ne laisserons pas Microsoft verrouiller la plateforme PC du jour au lendemain sans combattre ».
Il reste à voir si sa voix sera entendue et/ou si Microsoft sera à même d’apporter des réponses – et des garanties satisfaisantes – afin de rassurer le monde de la création vidéoludique.
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