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L’homme vivra 1000 ans, selon le biogérotonlogue Aubrey de Grey

Financées notamment par l’investisseur de la Silicon Valley Peter Thiel, les recherches de ce Britannique proche des transhumanistes visent à regénérer nos cellules pour retarder le vieillissement de notre organisme. Interview.

Aubrey de Grey est une sommité pour les transhumanistes. Cet ingénieur en informatique devenu biogérontologue pense que la vieillesse est une maladie qui peut se traiter comme les autres. Avec en filigrane la promesse de vivre plus longtemps en bonne santé. Nous avons pu le rencontrer à l’occasion de sa venue au colloque Transvision 2014.

01net : Comment et quand êtes-vous devenu transhumaniste ?

Aubrey de Grey : C’est une question délicate. Je ne crois pas vraiment pouvoir me considérer moi-même comme un transhumaniste. Je suis souvent étiqueté comme tel mais finalement, je préfère dire que je ne suis qu’un chercheur dans le domaine médical. Mon objectif est que les gens arrêtent de tomber malades quand ils vieillissent, donc j’ai une fondation qui travaille sur les médecines nouvelles pour cela. Je ne crois pas que cela relève d’une idéologie ou d’une croyance particulière.

Mais vous n’êtes pas membre de l’association américaine transhumaniste Humanity + ou de la UK Transhumanist Association ?

C’est possible, je suis membre de beaucoup de choses.

Vous avez signé la déclaration transhumaniste ?

Je ne sais pas ce que c’est mais peut-être : je ne me souviens pas de tout. (Rires).

Avez-vous tout de même une définition du transhumanisme ?

Il y a beaucoup de définitions possibles. De façon pragmatique, si vous regardez ce que disent les gens qui s’appellent eux-mêmes transhumanistes, ils croient que le développement des technologies émergentes va apporter davantage de bonheur aux hommes. Mais pour d’autres, le transhumanisme consiste à changer la nature humaine.

“Nous suscitons beaucoup d’intérêt des entrepreneurs de la high-tech”

Quel a été votre parcours universitaire ?

Mon parcours a été assez inhabituel. J’ai commencé comme ingénieur informaticien. Je suis sorti diplômé de Cambridge en 1985. Quelques années après, je me suis spécialisé en intelligence artificielle. Mais entretemps j’ai rencontré ma femme [Adelaide Carpenter] qui me parlait de biologie et qui ne s’intéressait pas du tout à l’informatique. Et j’ai réalisé que tous les biologistes étaient dans ce cas et qu’il y avait là une opportunité formidable pour moi de concilier les deux. C’est comme cela que je me suis progressivement réorienté vers la biogérotonlogie. Mais je n’ai passé aucun examen universitaire ou suivi de cours qui puisse valider cela académiquement. D’où la création de ma fondation.

Qui sont vos donateurs ? Comptez-vous beaucoup de magnats de la Silicon Valley ?

Oui, il y en a un certain nombre comme l’investisseur Peter Thiel. Nous suscitons beaucoup d’intérêt de la part des entrepreneurs qui travaillent dans l’industrie high-tech. Mais nous comptons aussi beaucoup de chercheurs.

Vous avez des contacts avec Google ou d’autres entreprises numériques ?

Tout à fait, oui.

Quels types de contacts ?

Des contacts.

Pouvez-vous m’expliquer en quoi consiste votre projet Sens ?

C’est en fait un ensemble de projets tous dédiés à la réparation des dommages du corps. Lorsque l’on vieillit, beaucoup de dommages sont automatiquement réparés quand ils apparaissent parce que le corps a des systèmes intelligents et automatiques de régénération des cellules. Mais certaines cellules ne peuvent se renouveler et c’est pour cela que nous tombons malades et que nous mourrons. Donc notre but est de les régénérer. Nous avons classifié les dommages en sept catégories. Et nous travaillons à lutter contre ces sept causes différentes du processus de vieillissement.

“Celui qui vivra 1000 ans est probablement déjà né”

Que pouvons-nous espérer en matière d’espérance de vie ?

C’est très difficile de prédire combien de temps les gens vivront dans le futur parce que beaucoup de choses très différentes peuvent les affecter, comme des accidents de la route, par exemple. Mais mon but est de garder les gens en bonne santé. Donc si nous pouvons y arriver, et je crois que nous pourrons le faire très bien d’ici une vingtaine d’années, les gens ne seront plus seulement au meilleur de leur forme entre 20 et 40 ans mais bien au-delà. Cependant, le risque de mortalité restera le même. Dans ces circonstances, si vous calculez l’espérance de vie, elle devrait atteindre certainement au moins 1000 ans. Celui qui vivra 1000 ans est d’ailleurs probablement déjà né. Mais c’est de la complète spéculation car nous ne savons pas quels vont être les autres progrès médicaux d’ici là.

Quelles sont les limites éthiques à fixer à ce type de recherches ?

Eh bien, je ne crois pas qu’il faille en fixer. Les maladies liées à la vieillesse coûtent énormément d’argent à la société. C’est de notre intérêt à tous de lutter contre.

Qu’est-ce que vous pensez du téléchargement de l’esprit ?

C’est un concept très intéressant. Cela pose des questions pour savoir comment faire concrètement. Et cela pose des problèmes philosophiques. Est-ce que nous restons la même personne si nous téléchargeons notre esprit hors de notre corps ? Mais je ne pense pas que ce soit pour demain.

Et la cryogénisation ?

C’est un domaine de recherche extrême qui recèle de grandes promesses. A ce stade, nous avons fait d’énormes progrès dans la conservation des organes pour les transplanter. Il n’y a donc aucune raison théoriquement que nous ne puissions pas y arriver un jour pour le cerveau.

Est-ce que vous espérez devenir immortel ? 

Je ne me pose pas la question. Je ne crois pas que cela ait beaucoup de sens d’avoir une opinion sur la durée de sa propre vie. Parce que les choses changent très vite. C’est comme si me demandiez à quel moment je voudrais aller aux toilettes la prochaine fois. Je ne peux pas prévoir.

Que faites-vous, vous-même, au quotidien pour vivre mieux et plus longtemps ?

Rien. Et même l’opposé de ce que je devrais faire. Je travaille très dur vous savez, et je vais probablement raccourcir ma vie à cause de ça.

Voire notre dossier spécial sur le transhumanisme.

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Amélie Charnay