Passer au contenu

L’Europe veut des droits pour les robots… afin de mieux protéger les humains

Qui sera responsable en cas d’accident avec une voiture autonome ? C’est l’une des questions passionnantes posées par un rapport parlementaire européen face à l’utilisation croissante de ces machines dans notre société. 

Carlos Ghosn l’a répété au micro de 01net lors du CES la semaine dernière : les voitures autonomes sur les autoroutes, c’est pour l’année prochaine. Et la technologie pourrait être introduite dans les villes entre 2019 et 2020 ! Seul problème : la réglementation n’est pas prête. Qui sera responsable si une voiture sans conducteur est impliquée dans un accident de la route, par exemple ? C’est l’une des grandes questions que pose l’automatisation grandissante et accélérée de notre société. Elle sous-tend tout un rapport de la Française Nathalie Nevejans intitulé Règles européennes de droit civil en robotique présenté au mois d’octobre 2016 et adopté à la majorité par la commission des affaires juridiques du Parlement européen ce jeudi 12 janvier. Le texte milite pour encadrer davantage l’utilisation de robots intelligents et autonomes. Il s’agit ici de machines « avec un support physique », les logiciels purs étant donc exclus de cette étude. La réflexion est ambitieuse, riche et passionnante puisque l’objectif est de faire en sorte que les robots restent bien au service des humains sans freiner pour autant l’innovation. Plusieurs pistes sont donc lancées tant sur plan éthique, que de la sécurité et de l’emploi.

Vers un statut de « personne électronique » ?

La voiture autonome est considérée comme un chantier prioritaire. Le rapport propose « un régime d’assurance obligatoire avec un fond pour indemniser les victimes d’accidents causés par des véhicules sans conducteur » qui serait contracté par le fabricant. Le fabricant, le programmeur, le propriétaire et l’utilisateur seraient tous soumis à un régime de responsabilité limitée.

A plus long terme, il faudra aussi considérer la possibilité de créer un statut juridique spécifique de « personne électronique » pour les robots autonomes les plus sophistiqués. Autrement dit, les robots autonomes ayant des interactions avec des tiers seraient dotés « de droits et d’obligations spécifiques, y compris celui de réparer tout dommage causé à des tiers ». Le rapport précise bien qu’il ne s’agirait pas, en revanche, de soutenir que le robot serait un être conscient. Comme le font ceux qui revendiquent une personnalité juridique pour les animaux.

Un code de bonne conduite pour les ingénieurs

Le texte suggère aussi la création d’une agence européenne de la robotique et de l’intelligence artificielle pour fournir aux pouvoirs publics une expertise technique, éthique et réglementaire. Il préconise également de fixer un cadre éthique à la conception, la production et l’utilisation de robots et d’imposer un code de bonne conduite aux ingénieurs en robotique. Une fonction serait imposée pour que les machines puissent être éteintes en cas d’urgence. En outre, la notion de dignité humaine est mise en avant pour justifier la possibilité de refuser d’être pris en charge par un robot dans les cas des personnes âgées ou des handicapées, par exemple. Un consentement préalable pourrait aussi être exigé systématiquement avant qu’un robot de santé n’administre des soins à un patient.

Autre problème, celui du respect de la liberté de l’homme en présence d’un robot de sécurité. Les machines pourront-elles forcer un enfant qui fait l’école buissonnière à rentrer chez lui ou une personne saoule à arrêter de boire ? La commission suggère que l’autonomie décisionnelle de chacun soit avant tout respectée et que l’homme puisse toujours imposer à un robot de lui obéir. Il y aurait quelques exceptions, comme le fait de ne pouvoir se servir d’un robot comme d’une arme ou le cas où une tierce partie serait en danger.

De nombreuses autres problématiques sont abordées, comme celle des données personnelles à protéger ou encore le danger de faire des économies et de se décharger sur les robots de beaucoup de tâches d’assistance, au risque de couper tout lien social. Le texte évoque enfin le risque d’être manipulé par un robot compagnon conçu pour susciter l’empathie grâce à un mimétisme totalement feint.

Le rapport doit être soumis au vote de l’ensemble des députés européens au mois de février prochain. Mais le Parlement appelle dès maintenant la Commission européenne à préparer une directive allant dans son sens.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Amélie Charnay