Branle-bas de combat dans les cercles de la cybersécurité nationale. Depuis hier soir, la chaîne francophone TV 5 Monde est victime d’un piratage de grande ampleur revendiqué par l’Etat islamique, affectant ses antennes, son site web et ses comptes de réseaux sociaux. Toutes les émissions de TV5Monde ont été coupées entre mercredi 22H00 et jeudi vers 01H00, la chaîne affichant alors un écran noir. Chaîne internationale de télévision francophone basée à Paris, TV5Monde est reçue dans plus de 200 pays et territoires dans le monde.
« Nous avons subi une attaque historique, d’une ampleur inédite en trente ans. Toutes nos antennes, qui émettent dans le monde entier, sont tombées. Le piratage a commencé peu après 22 heures par les réseaux sociaux, puis un message écrit en français, en arabe et en anglais a remplacé la page d’accueil de notre site internet. On pouvait y lire des menaces envers notre chaîne, et une glorification de la charia. Ce même message était relayé en notre nom sur les réseaux sociaux », expliquait Hélène Zemmour, directrice du numérique de TV 5 Monde auprès de France TV Info.
Sur le compte Twitter s’affichait l’étendard de l’Etat islamique et la référence à un groupe intitulé « CyberCaliphate ». Sur Facebook, des documents présentés comme des pièces d’identité et des CV de proches de militaires français impliqués dans les opérations contre l’Etat islamique ont été postés sur le compte Facebook de TV5Monde, accompagnés du message suivant : « Soldats de France, tenez-vous à l’écart de l’Etat islamique! Vous avez la chance de sauver vos familles, profitez-en. (…) Au nom d’Allah le tout Clément, le très Miséricordieux, le CyberCaliphate continue à mener son cyberjihad contre les ennemis de l’Etat islamique ».
Le message accusait par ailleurs le président français François Hollande d’avoir commis « une faute impardonnable » en menant « une guerre qui ne sert à rien ». « C’est pour ça que les Français ont reçu les cadeaux de janvier à Charlie Hebdo et à l’Hyper Casher », ajoutaient les pirates, en référence aux attentats sanglants contre l’hebdomadaire satirique et le magasin, qui avaient fait 17 morts entre le 7 et le 9 janvier à Paris. Ci-dessous le message vidéo d’Yves Bigot, directeur de TV5 Monde, diffusé pendant la nuit sur YouTube.
Depuis, la chaîne a pu reprendre la main sur ses antennes et ses comptes de réseaux sociaux durant la nuit. « C’est une cyberattaque à la fois extrêmement ciblée et puissante. Depuis 05H00 nous avons réussi à émettre un programme unique sur l’ensemble de nos chaînes. Pour l’instant on ne peut pas produire nos propres JT. Ce ne sera pas rétabli avant 14H00 », a expliqué Yves Bigot, directeur de TV5Monde, au siège parisien de . Le site web, en revanche, reste totalement inaccessible à l’heure actuelle.
Les experts en cybersécurité de l’ANSSI sont évidemment sur le pied de guerre et apportent leur « soutien technique aux équipes de TV5 monde pour analyser l’attaque et permettre à la chaîne de rétablir le service dans de bonnes conditions », peut-on lire dans un communiqué. Le gouvernement, pour sa part, a réagi au quart de tour. Le Premier ministre Manuel Valls a dénoncé ce matin dans un tweet le piratage de la chaine francophone TV5Monde mercredi soir comme une « atteinte inacceptable à la liberté d’information et d’expression ». Il a affiché dans le même message son « soutien total à la rédaction ».
L’attaque du réseau #TV5MONDE est une atteinte inacceptable à la liberté d’information et d’expression. Soutien total à la rédaction.
– Manuel Valls (@manuelvalls) April 9, 2015
Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve d’ores et déjà ouvert une enquête sur ce piratage. « Nous sommes déterminés à la faire aboutir rapidement », a affirmé Bernard Cazeneuve devant le siège de la chaîne de télévision internationale francophone à Paris, où il s’était rendu avec ses collègues des Affaires étrangères et de la Culture, Laurent Fabius et Fleur Pellerin. « Tout est mis en œuvre pour à la fois retrouver les auteurs, les punir, rétablir l’antenne et éviter que de telles attaques cyberterroristes puissent menacer la liberté d’expression à l’avenir », a renchéri de son côté Laurent Fabius.
Le ministre de l’Intérieur a expliqué que les mesures antiterroristes prises après les attentats parisiens de janvier devaient permettre de mieux lutter contre ce type d’attaques. « Nous avons décidé d’armer davantage nos services pour faire face et prévenir ce type d’attaques (…) ce qui vient de se passer témoigne de la pertinence des actions que nous avons engagées », a-t-il dit, au sujet notamment du projet de loi sur le renseignement en cours d’examen au Parlement. L’enquête va être menée par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) avec deux services de la police judiciaire, la sous-direction antiterroriste (SDAT) et l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC).
Pour sa part, Fleur Pellerin a annoncé qu’elle recevrait jeudi après-midi ou vendredi « l’ensemble des dirigeants de grands médias audiovisuels et même peut-être de presse écrite (…) pour m’assurer des points de vulnérabilité ou de risque qui peuvent exister et de la manière de les traiter au mieux ».
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