« Kaizen : 1 an pour gravir l’Everest », le documentaire du Youtubeur Inoxtag consacré à son ascension de l’Everest, rencontre un succès colossal. Sur YouTube, le métrage cumule plus de 20 millions de vues en l’espace de quelques jours. Le documentaire jouit aussi d’une belle popularité dans les salles obscures. Vendredi dernier, plus de 300 000 Français se sont précipités au cinéma pour découvrir Kaizen sur grand écran. Le film du film a convaincu TF1 d’acheter les droits de diffusion du documentaire. Celui-ci sera diffusé le mardi 8 octobre 2024 à 23 h 30 sur TF1. Par ailleurs, le film d’Inoxtag débarquera sur la plateforme TF1 + à partir du 28 septembre 2024.
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Une infraction à la chronologie des médias
Comme le rapportent nos confrères de 20Minutes, le succès de Kaizen brouille les frontières entre les plateformes du numérique, comme YouTube, et les médias traditionnels, tels que TF1 et les cinémas. Dans la foulée, le documentaire enfreint surtout la fameuse chronologie des médias.
En France, un cadre légal spécifique nommé « chronologie des médias » contrôle le calendrier de distribution des films en fonction des supports. La législation impose des délais obligatoires entre la sortie d’un film en salles et sa diffusion sur les chaînes de télévision ou les plateformes de vidéo à la demande. Cette réglementation, héritée des années 1980, s’applique à la fois aux distributeurs de films, aux exploitants de cinémas, aux services de streaming et aux chaines TV.
Interrogé par 20Minutes, Olivier Henrard, le directeur général délégué et président par intérim du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), souligne que la diffusion de Kaizen sur TF1 quelques semaines seulement après son passage dans les salles de cinéma constitue une infraction. Le nouveau cadre de la chronologie des médias, en vigueur depuis 2022, prévoit qu’un métrage sorti au cinéma attende 22 mois avant de débarquer sur une chaine gratuite, comme TF1. Le président du CNC précise que ce « calendrier avait été défini en concertation avec les membres de la profession pour que chacun y trouve son compte ».
La limite des 500 séances
Pour échapper au délai réglementaire, le distributeur de Kaizen, à savoir le groupe parisien MK2, aurait dû limiter le nombre de séances en France. Le film dispose en effet d’un visa pour séances exceptionnelles. Or, « le souci est que Kaizen peut créer un précédent fâcheux, puisque le distributeur MK2 a clairement et sciemment dépassé la limite des 500 séances, limite qui est le fruit d’une concertation avec la filière », remarque Olivier Henrard. La chronologie autorise en effet les distributeurs à organiser pas plus de 500 séances en deux jours pour échapper au délai classique de diffusion. C’est le seuil limite fixé par l’article R. 211-45 du Code du cinéma en France, qui décrit les conditions à respecter pour avoir un visa pour séances exceptionnelles. En l’occurrence, la limite a été largement dépassée. En fait, les distributeurs ont été « pris par surprise » par le succès de Kaizen. C’est pourquoi le nombre de séances a été revu à la hausse, en dépit de la limite fixée.
Pour avoir dépassé la limite prévue par le visa attribué à Kaizen, le distributeur MK2 risque une amende de 45 000 euros. De plus, le Code du cinéma français prévoit une large panoplie de sanctions administratives éventuelles, dont une amende équivalente à « 3 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois ».
Dans ces conditions, le CNC se dit prêt à « réfléchir à nouveau à cette régulation ». Le Centre national du cinéma et de l’image animée veut éviter que « la salle de cinéma ne devienne un accessoire, et peut-être envisager des sanctions plus dissuasives ». Il n’est pas impossible que l’affaire Kaizen pousse les régulateurs à décréter des sanctions plus dures pour éviter les abus. Pour le dirigeant du CNC, « ces séances exceptionnelles, qui sont une respiration indispensable et qu’il faut préserver, ne doivent pas pour autant remettre en cause l’équilibre de la filière ».
Le cinéma comme faire valoir
Surtout, le cinéma ne doit pas devenir un simple tremplin pour des plateformes numériques accessibles gratuitement sur Internet. C’est la crainte exprimée par les propriétaires de cinéma. Pour Gérard Lemoine, le directeur du Cinépal, un cinéma à Palaiseau dans la région Île-de-France, il ne faut pas que le cinéma devienne « une rampe de lancement ou de promotion pour des plates-formes gratuites ou payantes » et serve uniquement de « faire-valoir d’autres modes de diffusion ».
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Source : 20Minutes