Juillet 2003 : la facture électronique se prend pour un simple fichier signé
Jusqu’ici, il y avait la facture papier et la facture dématérialisée par EDI. A partir du 1er juillet, il sera aussi possible d’échanger des factures électroniques via internet.
Beaucoup de directeurs financiers savent la facture papier condamnée. Mais bien peu en appréhendent l’échéance. A ce titre, la date du 1er juillet 2003 marque une étape en France. Il s’agit de l’entrée en vigueur de la directive européenne conférant une valeur juridique et fiscale à la facture électronique échangée sous forme de fichier signé en complément à la facture dématérialisée via l’EDI.Les éditeurs de connecteurs, les opérateurs de plates-formes (ASP-One, B-Process, Deskom, Pas International) et les places de marché (Answork, Achatpro, Avisium) sont d’accord sur ce point : même si ce n’est pas l’explosion espérée, le marché suit le mouvement, et la demande devient plus mature. Tous ont en portefeuille des dizaines de propositions formulées par de grandes entreprises ou de grosses PME.‘ Les directeurs financiers connaissent les potentialités de l’échange numérique de factures, généralise Cyrille Sautereau, DGA de Deskom. Leur problème actuel n’est pas de l’adopter, mais de déterminer à quelle échéance et avec quelle plate-forme. ‘ Pour Franck Duthil, directeur général de B-Process, le recours à la facture électronique sous la forme d’applications hébergées ne fait aucun doute : ‘ Non intrusive et plus flexible à mettre en ?”uvre que l’EDI, cette formule intéresse les directeurs financiers, qui n’ont plus à impliquer les directeurs des systèmes d’information dans le projet. ‘
Plus besoin de grands projets coûteux
Facture dématérialisée via l’EDI ou facture électronique via un fichier web signé ? Les deux systèmes sont possibles et coexisteront. ‘ Tout dépend de la taille de l’entreprise et de l’importance des flux qu’elle traite ‘, tranche Annie Morel, directeur de mission chez Ernst Audit et ancien inspecteur des impôts à la Direction des vérifications nationales et internationales (DVNI). Sentant la problématique poindre, le cabinet s’engouffre dans ce segment de marché naissant en proposant d’ores et déjà différents services aux entreprises : audit juridique et fiscaux, signature électronique et informatique. ‘ Nous les aiderons à négocier les contrats avec les fournisseurs de plates-formes, à résoudre leurs problèmes de dématérialisation fiscale, à contrôler la validité des certificats, ou à sécuriser leurs systèmes d’ordonnancement. ‘Avec la facture électronique, les entreprises n’ont plus besoin de lancer de grands projets coûteux avec des applications privatives, comme pour l’EDI. Elles recourent donc à des éditeurs ou à des opérateurs utilisant internet, à des fournisseurs d’applications hébergées (FAH) ou à des places de marché. Utilisant les services web, les premiers invitent même les seconds à intégrer leurs modules de traitement des factures. ‘ Nous mettons ainsi notre technologie et notre réseau de traitement à leur disposition et à celle de leurs clients et de leurs fournisseurs ‘, se félicite Cyrille Sautereau. Tous les coups sont permis. La concurrence est rude. Mais le marché potentiel est vaste. La chose est entendue. Toutefois, penser que les quelque 1,7 million de factures annuellement échangées en France (15 milliards en Europe) se transformeront en numérique du jour au lendemain, d’un seul coup de baguette magique, est un leurre. Cela demandera du temps et de l’énergie.
Un changement à long terme
Il faudra bien des années avant que les prestataires de transport, d’ordonnancement et de gestion aient la capacité d’assurer une telle montée en charge. Et, de leur côté, les entreprises devront déterminer au préalable les conséquences de ce changement sur leurs modes de fonctionnement. Les réticences d’Eric Lovisolo, directeur administratif du Groupe Celio, en témoignent. ‘ Nous sommes preneurs de la facture électronique pour peu qu’elle apporte des gains de productivité et de sécurité. ‘ Ce qui n’est pas encore le cas : ‘ Globalement, il y a des problèmes en amont et en aval. En amont, car les systèmes comptables actuels n’intègrent par de telles fonctions. Tous les éditeurs le prétendent, mais aucun ne le propose en standard. Des adaptations sont donc nécessaires. Problèmes également en aval, car, pour recevoir des factures dématérialisées ou électroniques, il faut pouvoir l’imposer à ses fournisseurs. ‘ Les seuls milieux où l’EDI fonctionne sont structurés en oligopole, comme les métiers de la répartition pharmaceutique, l’automobile ou la grande distribution. ‘ De mon côté, je me vois mal imposer au milieu du grand import textile en Chine, par exemple une facture numérique, alors que les lettres de crédit que nous échangeons sont encore sur papier ‘, déplore Eric Lovisolo. Quant à Jacques Rousseau, président de SSC Mondial Assistance, il a d’autres soucis. En mettant en place un système de reconnaissance intelligente de caractères (RIC) pour ses factures papier, il a testé l’EDI. ‘ Nous avons relevé des incohérences fréquentes entre les données d’identification du fichier électronique et le support papier. ‘ A ce titre, l’EDI lui apparaît presque comme un handicap.Tout le monde les fournisseurs, en particulier attend du texte qu’il débloque la situation. Bercy y a même adjoint d’autres autorisations, comme l’autofacturation, la facturation par lots ou l’échange transfrontalier. Voilà pourquoi Franck Duthil estime que la transposition de la directive apporte une grande nouveauté. ‘ Avant, la dématérialisation ne pouvait s’opérer que sur des fichiers structurés de type EDI, tels que demandés par les grands fournisseurs ‘, rappelle-t-il. Le marché était donc tiré par les grands donneurs d’ordres. ‘ Au 1er juillet, tout le monde pourra échanger des données dans un format non structuré, des images lisibles par tous. ‘‘ Cette date changera beaucoup de choses, mais surtout à long terme ‘, modère Martial Gérardin, directeur général d’Answork. ‘ C’est un pas vers la suppression du papier, et cela donne plus de flexibilité à la dématérialisation fiscale. ‘ Enfin, Vincent Dreux, président de Pas International, voit surtout la transposition de la directive comme ‘ une étape importante en termes de marketing. Cela permet de faire savoir que la facture électronique est juridiquement acceptée en France et en Europe, qu’elle se joue des frontières, et qu’elle peut se faire sous forme d’autofacturation ‘.