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Jugement suprême pour le peer-to-peer

La Cour suprême des Etats-Unis se penche, à partir du 29 mars, sur les logiciels de peer-to-peer Grokster et Morpheus. Elle dira, d’ici au mois de juin, si leurs éditeurs sont responsables des utilisations illicites qui en sont
faites.

La polémique qui fait rage autour du peer-to-peer (P2P) ne pouvait pas s’offrir un décor plus solennel et imposant que celui de la Cour suprême des Etats-Unis. C’est aujourd’hui, mardi 29 mars, que débutent les
auditions de l’affaire ‘ Metro-Goldwyn-Mayer contre Grokster ‘, opposant en réalité une trentaine de représentants d’Hollywood et de l’industrie du disque aux éditeurs des logiciels Grokster et Morpheus (Streamcast
Networks).La plus haute des juridictions américaines devra décider, d’ici au mois de juin, si ces éditeurs peuvent être ou non poursuivis en justice, du simple fait que leurs produits sont utilisés pour partager illégalement des fichiers musicaux
et vidéo protégés par des droits d’auteur. C’est l’ultime recours judiciaire pour l’industrie du divertissement, qui n’a jusqu’ici pas convaincu les tribunaux américains.Au mois d’août dernier, les juges de la 9e cour d’appel des Etats-Unis
rejetaient les poursuites d’Hollywood contre Grokster et Morpheus. Ils
confirmaient un précédent verdict du tribunal fédéral de Los Angeles. Celui-ci avait estimé, en avril 2003, que les éditeurs n’étaient pas responsables des infractions commises par
leurs utilisateurs et souligné que les logiciels pouvaient aussi être utilisés de façon licite.Dans leur jugement, les magistrats se référaient à une décision de la Cour suprême des Etats-Unis datant de 1984 et opposant Universal Studios à Sony, inventeur du système d’enregistrement vidéo Betamax. La major estimait alors que les
magnétoscopes du japonais encouragaient le piratage des films. Mais la Cour suprême avait considéré que les fabricants ne pouvaient pas être poursuivis, car leurs appareils pouvaient aussi donner lieu à une utilisation légale.Avec l’affaire ‘ Metro-Goldwyn-Mayer contre Grokster ‘, elle se replonge aujourd’hui pour la première fois dans la jurisprudence Sony. Aux Etats-Unis, l’affaire est un véritable événement. Et pour cause !
Les enjeux dépassent largement le cadre du peer-to-peer et concernent l’ensemble de l’industrie des loisirs numériques.

La ‘ jurisprudence Sony ‘ au c?”ur du débat

Soutenus par des artistes et par le gouvernement américain, les professionnels du cinéma et de la musique considèrent que la jurisprudence Sony n’est plus adaptée à des technologies aussi complexes que les réseaux P2P.Dans l’autre camp, Grokster et Morpheus ont aussi leurs partisans, comme Intel et AT&T. Une remise en cause de la décision de 1984 pourrait leur imposer de nouvelles contraintes dans la conception de leurs produits et services.
Comme la mise en place de DRM (système de gestion des droits d’auteur), très contraignante et pas forcément bien perçue par les consommateurs.Sur le site de l’Electronic Frontier Foundation (EFF), Fred Von Lohmann, avocat de ce groupement à but non lucratif de juristes et spécialistes des technologies, considère, que ‘ les principes
législatifs du copyright issus du cas Sony Betamax ont bien servi pendant vingt ans les innovateurs, les industries du copyright et le public ‘
. Il souhaite que la Cour suprême réaffirme une jurisprudence Sony jugée vitale
pour l’innovation.Chaque semaine, l’EFF met ainsi en avant sur son site
des exemples de logiciels ou de matériels que protège le cas Sony : photocopieurs, magnétoscopes, iPod ou encore Photoshop, en passant par l’e-mail ou les
blogs.Reste à connaître l’impact futur d’une décision de la Cour qui serait défavorable aux logiciels de peer-to-peer. Devront-ils intégrer des systèmes de gestion des droits numériques, et si oui, lesquels ?
Devront-ils être bridés ou modifiés pour le territoire américain, alors qu’ils resteraient accessibles facilement dans leur version complète sur un serveur étranger ? Et quid des logiciels d’éditeurs non américains, ou
issus de communautés de développeurs ? Un vaste chantier s’ouvre pour les neuf juges du plus haut tribunal américain.

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Guillaume Deleurence