La crise a du bon. Elle permet de faire le tri entre une stratégie à long terme et des concepts de circonstance. Entre une saine gestion et de la poudre aux yeux. Entre un homme qui s’accroche à l’air du temps et un véritable patron. Si vous faites régulièrement du jogging, vous aurez remarqué qu’au bout de quelques kilomètres, l’envie vous prend d’être le plus léger possible. Tout le superflu semble trop lourd pour une bonne foulée. Pour l’entreprise, c’est pareil. Surtout en période de ralentissement économique, c’est-à-dire lorsqu’il faut grimper une côte sans en connaître l’inclinaison ni la longueur. Les dirigeants sont alors tentés de la jouer light. Serge Tchuruk, le patron d’Alcatel, invente ainsi l’entreprise sans usine. Et en attendant une sortie éventuelle du capital de TMM (Thomson Multimédia), il réduit sa participation dans Thalès, l’ex-Thomson CSF.En 1997, ce même patron s’était pourtant battu comme un enragé contre Jean-Luc Lagardère, patron du groupe éponyme. Ces deux capitaines d’industrie ?” et, à l’époque, ce mot n’était pas usurpé ?” avaient mobilisé toutes leurs ressources ?” journaux, amis politiques et soutiens industriels ?” pour devenir l’actionnaire de référence de Thomson. La fusion de l’électronique de défense et de l’électronique civile devait permettre d’inventer l’avenir. Aujourd’hui, l’avenir d’Alcatel se résume au quotidien d’une société confrontée à son seul marché naturel, l’équipement télécoms. Ses participations minoritaires ne sont plus évaluées quà la seule aune de son endettement. Comme chez France Telecom, Vivendi Universal, Bertelsmann et une bonne partie des grands groupes européens, priorité est donnée à la redéfinition du “core business“. Comme ses pairs, Serge Tchuruk sera jugé sur ses seules capacités de gestionnaire par gros temps. Le seul temps qui, finalement, permette de jauger un manager.
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