EMC renoue avec la croissance et les profits. Est-ce dû à une meilleure situation économique ou à un changement profond dans l’entreprise ?La situation économique s’est, certes, améliorée. Mais l’année 2003 n’a pas été fantastique pour autant. Les budgets informatiques ont été revus à la baisse, et le marché du stockage n’a augmenté que d’environ 3 %. EMC, pour sa
part, table sur une croissance de 11 % pour 2003. Nos progrès ne s’expliquent donc pas seulement par une meilleure conjoncture. Ils sont surtout dus à l’extension de nos gammes de produits. Il y a encore quelques années de cela, nous vendions
essentiellement une ligne de produits en l’occurrence, le Symmetrix, positionné dans le haut de gamme des sous-systèmes de disques. Depuis, nous couvrons le milieu de gamme, les baies de disques ATA, le NAS, ou encore l’archivage.Certains ont longtemps reproché à EMC son arrogance. Pensez-vous que cette situation a évolué ?Je ne pense pas qu’EMC ait été vraiment arrogant, mais plutôt qu’il renfermait des îlots d’arrogance. Nous avons, certes, forcé nos clients à acheter nos systèmes. Mais vous savez, quand on est leader trop longtemps… Et nous
étions loin devant la concurrence. Or, celle-ci est salutaire, et profite aux clients. Les premières actions que j’ai menées en tant que CEO visaient précisément à résoudre ces problèmes. J’ai donc licencié des personnes notamment des responsables
commerciaux qui avaient franchi la ligne. Par ailleurs, j’ai recruté des managers issus principalement de Compaq et de HP.Connaîtrez-vous un jour la même croissance qu’en 2000 ?Non. Je crois que doubler son chiffre d’affaires, comme nous l’avons fait au temps de la ‘ bulle internet ‘, est devenu impossible. En 2004, avec nos dernières acquisitions, nous
viserons une croissance de 23 %. Quant aux revenus, nous comptons bien, d’ici à quelques années, réaliser un chiffre d’affaires de plus de 8 milliards de dollars, comme il y a deux ans.En plus des Clariion, Dell revend des baies Symmetrix. Cela ne faisait pourtant pas partie de l’accord initial que vous aviez signé.Dell revend les Clariion sans qu’EMC soit impliqué. En revanche, lorsque ses commerciaux entrevoient une occasion de placer un Symmetrix, ils font appel à nos forces de vente et d’intégration. Par ailleurs, pour certaines
configurations reposant sur des serveurs Dell, l’intégration d’un Symmetrix fait l’objet d’une intervention conjointe. La facturation de la baie revient, selon les cas, à EMC ou à Dell. Ce dernier contribue à hauteur de 10 % environ dans nos
revenus.En France, votre baie Centera dédiée à l’archivage s’est très peu vendue. Aucune commune mesure avec les Etats-Unis, l’Angleterre ou l’Allemagne. Existe-t-il une problématique française liée à l’archivage ?Non. En fait, nous ne lui avions pas dédié de forces de vente spécifiques. Ni, d’ailleurs, formé les équipes ou encore ‘ marketé ‘ correctement le produit en France. Depuis quelques
mois, la donne est en train de changer notamment sous l’impulsion de notre nouveau PDG France. Toujours est-il que Centera reste, dans le monde, le produit ayant connu la plus forte croissance parmi tous ceux qui ont été lancés par les grands
constructeurs ces dernières années. Nous en avons vendu pour 10 petaoctets, et nous comptons déjà plusieurs centaines de clients.Comment se compose votre nouvelle division logicielle ?Elle comporte trois entités indépendantes. La première englobe tous les produits qui supportent et administrent nos matériels, ainsi que ceux baies et commutateurs des autres constructeurs : gestion des espaces disques, des
accès, des volumes, du réseau de stockage… Les deux autres branches regroupent Legato et Documentum. Quant aux équipes commerciales de ces structures, elles ne seront pas mélangées.Est-il vraiment possible de préserver l’indépendance de ces structures ? Car la vente d’une licence Documentum implique une consommation d’espace de stockage considérable. Que, bien sûr, EMC pourrait fournir…Le nécessaire sera fait pour maintenir cette indépendance. Les commerciaux de Documentum ne seront jamais accompagnés par les vendeurs d’EMC. Et qu’ils travaillent avec un stockage d’origine IBM s’ils en ont l’opportunité ne me pose
aucun problème. Ils ne subiront aucune pression de notre part. Ils doivent nous percevoir comme n’importe quel revendeur de stockage. Documentum doit étendre ses revenus. Or, ceux-ci risqueraient justement de plonger s’il ne devait travailler
qu’avec nous. Leur imposer cela équivaudrait à une exécution directe. Je dois rester neutre. Il nous faut gagner la confiance des concurrents d’EMC.Gary Bloom, PDG de Veritas, affirme que le rachat de Documentum vous place désormais sur le même terrain qu’Oracle. Croyez-vous à cette prétendue concurrence ?Absolument pas. Documentum est, certes, une application. Mais c’est une application horizontale, qui gère les données non structurées. Nous faisons des choses différentes d’Oracle. Celui-ci s’étend également, mais en débordant sur
des terrains couverts par les constructeurs de serveurs. De toute façon, il n’existe pas sur le marché un seul leader qui, pour croître, n’ait pas élargi son c?”ur de métier. Microsoft en est la parfaite illustration. Même Veritas, avec les
acquisitions de Jareva et de Precise, étend son domaine. Et quand on s’étend, on le fait aux dépens de quelqu’un…Mais ne pensez-vous pas qu’Oracle va, à son tour, se pencher sur les données non structurées ?Et alors ? Chacun fait ce qu’il veut. Et quand bien même ils prendraient ce chemin, nous ne serions pas nécessairement concurrents. Nous pouvons aussi collaborer. Nous sommes une grosse compagnie. Notre valorisation boursière
s’élève à 30 milliards de dollars, et nous disposons de quelque 6,2 milliards de liquidité. En outre, pour croître, nous devons avoir les muscles nécessaires. Gary et moi sommes très différents. Il essaie de me monter contre Oracle. C’est ridicule,
car il n’y aura pas de guerre entre nous. Même s’il aimerait qu’elle ait lieu. Il nous voit comme son plus gros concurrent, et cherche une aide pour m’attaquer.Allez-vous renforcer le pôle sauvegarde de Legato, en déclin sur le marché ?La sauvegarde sur bande est indéniablement un mauvais concept. Nous allons mettre l’emphase sur la récupération des données. Car tout l’enjeu est là : en combien de temps sommes-nous capables de restaurer des fichiers ?
Nous utiliserons par conséquent les produits de restauration de données de Legato, que nous adapterons à nos technologies de disques.Vous n’aimez pas les bandes…Les bandes ne serviront plus qu’à l’archivage.La sauvegarde sur bande ne sera donc pas à votre catalogue ?La sauvegarde, c’est la vieille école. Elle deviendra de moins en moins capitale. L’ILM [Information Lifecycle Management pour gestion du cycle de vie de l’information NDLR] va en modifier la nature. Quant à
nous, nous allons chambouler le marché de la sauvegarde. Tous les acteurs du stockage seront amenés à suivre cette tendance. Y compris Veritas.
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