Député PS de Meurthe-et-Moselle, Jean- Yves Le Deaut est vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques de l’Assemblée nationale. À ce titre, il a demandé au Premier ministre Lionel Jospin d’ouvrir un débat public sur la question de la brevetabilité des logiciels. Un thème en cours d’examen au sein de la Commission européenne.Quel est, pour vous, l’enjeu de la brevetabilité des logiciels ? C’est un sujet technique derrière lequel se cache un débat de fond sur la recherche et l’innovation en Europe. La convention sur les brevets européens signés en 1973 à Munich fait entrer le logiciel dans la catégorie des inventions non-brevetables. Le logiciel y est considéré comme un système de communication défini par une écriture informatique et protégé, comme toute ?”uvre de l’esprit, par le régime des droits d’auteur. L’année dernière, la Commission européenne a décidé de remettre en discussion cette conception du logiciel, contestée par une partie des entreprises européennes qui, comme leurs concurrents américains, veulent protéger et licencier les programmes informatiques qu’elles inventent. Or, je crois ?” et le rapport Carcenac remis le 19 avril dernier au Premier ministre Lionel Jospin va dans ce sens ?” qu’en appliquant le droit du brevet aux standards de communication, on prend le risque de voir se créer des monopoles qui vont à l’encontre des libertés et de l’innovation. Les partisans du brevet logiciel affirment que ce système de protection juridique permet justement de stimuler le progrès…C’est ce que disent, en effet, l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) et une partie des industriels pour qui le brevet favorise la recherche en garantissant sa rémunération. Il est évident qu’il faut assurer une juste rémunération de l’invention. Mais le droit des brevets appliqué au domaine du logiciel me paraît abusif et contre-productif. D’une part, il crée des standards propriétaires, détenus par les grandes entreprises, qui compromettent les principes fondamentaux d’interopérabilité et de compatibilité sans lesquels il n’y pas de société de l’information. D’autre part, en brevetant un langage et des formules mathématiques, on contredit le principe même de la recherche, qui se fonde sur la libre utilisation de la connaissance pour innover. Je suis, pour ma part, favorable à la création d’un droit sui generis pour l’innovation immatérielle, sur le modèle du certificat d’obtention qui existe déjà dans le domaine de la recherche biologique.Que vous a répondu Lionel Jospin sur les risques que représente une extension incontrôlée du système des brevets ? Le gouvernement français avait effectivement, présenté à la Commission un document aligné sur les positions les plus extrêmes des partisans du brevet logiciel. Dans une lettre datée du 3 avril dernier, le Premier ministre m’a assuré que cette contribution française était de nature purement technique, et qu’elle ne laissait en rien préjuger de la position de fond qui sera adoptée, à terme, par les autorités françaises. Il semble qu’il existe une convergence de vue entre l’Allemagne et la France pour ne pas procéder à une extension inconsidérée de la législation européenne des brevets. En l’état actuel des choses, le gouvernement français a ouvert une consultation nationale qui devrait aboutir en juin 2001. Les discussions officielles sur la suppression des programmes d’ordinateur de la liste des inventions non-brevetables s’ouvriront à Bruxelles en novembre 2001. Selon le chef du gouvernement, elles pourraient faire l’objet d’une directive européenne.
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