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Jean-Paul Bouchet (CFDT cadres) : ‘ On parle trop d’informatique, et pas assez de système d’information ‘

Désaffection des étudiants pour les filières scientifiques, impact de l’offshore, contrat de mission… Jean-Paul Bouchet revient sur les sujets ‘ chauds ‘ du moment.

Avant de se consacrer exclusivement à la vie syndicale, Jean-Paul Bouchet, 48 ans, a eu un long passé dans l’informatique. Doté d’un DUT d’analyste-programmeur, il évolue de 1976 à 1995 dans la banque-assurance. Il devient, tour
à tour, chef de projet à la caisse Loire-Atlantique du Crédit Agricole, responsable du département génie logiciel à Maaf Assurances, directeur des projets nouvelles technologies de Xaar Assurances (filiale d’Irish Life) et, enfin, directeur de
l’organisation et de l’informatique de Caixa Bank France.En 1995, il rejoint Soft-Maint, SSII spécialisée dans les grands projets de migration (technologies objets, modélisation de processus) et filiale du groupe Sodifrance. Il y assume la responsabilité du pôle
‘ nouvelles technologies ‘ jusqu’en fin 2000. Ces vingt-quatre années d’expérience, réparties entre les entreprises utilisatrices et les services, lui permettent d’analyser avec recul les évolutions du
secteur informatique.01 Informatique : Quels sont, selon vous, les métiers qui vont progresser et ceux qui vont régresser ?Jean-Paul Bouchet : Le métier de programmeur va décliner sans disparaître complètement. La modélisation à 100 % reste une utopie. Même en France, il y aura encore, dans les années à venir, des
‘ pisseurs de code ‘, au sens tayloriste du terme. Ne serait-ce que pour écrire des rustines Java. En revanche, il manquera toujours de bons modélisateurs de processus de type
workflow ou de systèmes complexes. Ce qui implique une bonne compréhension de l’environnement métier.Comment adapter les formations initiales aux besoins actuels et futurs des entreprises ?Les entreprises émettent généralement des besoins du marché, c’est-à-dire ponctuels et immédiats. L’enseignement vit, lui, sur un autre temps, un programme pédagogique ne se construisant pas pour deux ou trois ans. Même s’il est
plus réactif que par le passé, le monde académique doit accepter, de son côté, de se faire bousculer.Quelles sont les causes de la désaffection actuelle des étudiants pour les filières scientifiques ?Elle est en partie due à un excès de prédéterminisme. En fonction du sexe ?” les filles sont sous-représentées dans les filières scientifiques ?”, mais aussi du type de bac obtenu. Le diktat des maths fait
beaucoup de ravages. Or, la maîtrise de l’abstraction ?” manipuler des modèles abstraits, des combinatoires ?”ne s’apprend pas exclusivement par les maths. Cadre dirigeant de la SSII Soft-Maint entre 1995 et 2000, j’ai recruté
des littéraires et obtenu d’excellents résultats. Dans les métiers de modélisation de systèmes complexes, l’ouverture d’esprit est bienvenue.L’implantation de centres de développement en province laisse-t-elle augurer une nouvelle répartition du territoire ?Effectivement, les offres d’emploi en province connaissent une embellie, alors que l’emploi francilien stagne. Employeurs et salariés peuvent tous deux gagner à ce nouvel aménagement du territoire. La baisse de salaire est
généralement compensée par une élévation du pouvoir d’achat et une amélioration de la qualité de vie.S’agit-il d’un tremplin pour une délocalisation plus lointaine ?Plutôt le Maghreb que l’Inde, serais-je tenté de dire. Cela pour des raisons de fuseau horaire, de langue et de culture. Tout dépend ensuite de la nature du service à délocaliser et de la capacité de l’entreprise à industrialiser
ses processus. En ce sens, toutes les activités ne sont pas éligibles. La fabrication et la maintenance des produits bureautiques reposant sur un cahier des charges extrêmement précis sont plus aisément ‘ offshorisables ‘.Quelle position un syndicat français peut-il adopter face au phénomène offshore ?Au sein de l’UNI (Union Network International), la CFDT est partie d’un constat : le mouvement de délocalisation est inévitable. A partir de là, deux orientations sont possibles. Soit adopter une position
syndicale dure en plaidant pour un protectionnisme à tout crin. Soit s’inscrire dans une démarche de développement durable de maintien de l’emploi européen ?” actions de requalification et de valorisation des postes à valeur ajoutée,
etc. ?” tout en accompagnant les pays émergents.Quelles ont été les réactions des employeurs face à cette nouvelle démarche syndicale ?Au sein de cette mission, nous avons rencontré le ministre indien des NTIC et les grands employeurs locaux que sont IBM, Microsoft ou Infosys. Nous avons été bien accueillis. Fidéliser les métiers sur place est de l’intérêt de tous.
Il y a deux ans, tout ingénieur indien rêvait de partir aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, puis de revenir au pays. Depuis, la crise est passée par là, et les promesses en matière d’emploi n’ont pas toujours été tenues.Pour revenir à la situation en France et à l’actualité du moment, quel est votre point de vue sur le contrat de mission ?En proposant le contrat de mission, Syntec externalise le risque financier lié au manque d’activité. A la collectivité de supporter les indemnités de chômage et les frais liés au maintien de l’employabilité. Car il est illusoire de
penser que, durant les trois ans que pourrait durer ce contrat, l’ingénieur se formera. La gestion des compétences doit s’établir dans un rapport gagnant-gagnant. L’élévation des compétences rend l’entreprise plus compétitive. Syntec devrait
davantage travailler sur les leviers de compétitivité qui créeront les emplois de demain plutôt que de se focaliser sur une gestion RH à court terme. Il part d’un mauvais présupposé : la tension sur le marché de l’emploi ne serait due qu’à un
code du travail trop rigide. On entend cela depuis quinze ans.Les entreprises high-tech réclament néanmoins une plus grande flexibilité de l’emploi…Il est clair que si un jeune diplômé s’imagine rester toute sa vie au même poste, il se trompe. Le nomadisme et la mobilité sont inhérents aux métiers de l’informatique. A partir de là, il faut se demander quelles contreparties
opposer à ces contraintes. Et ces leviers de la fidélisation sont connus : l’intérêt des missions, la reconnaissance, le salaire, la formation, la protection de la vie privée… Or, malheureusement, les entreprises n’y recourent le plus
souvent que contraintes et forcées, en cas de pénurie.

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Xavier Biseul