Le DSI d’Agfa France allie expérience, pédagogie, sens marketing et humour. Responsable mondial des applications GRC, il participe aux choix stratégiques du groupe et au pilotage de grands projets.01 DSI : Vous êtes DSI d’une filiale importante d’un groupe international. Comment vous situez-vous au sein de l’ensemble ?
Jean-Michel Soyez : Je suis responsable du système d’information de la filiale française du Groupe Agfa-Gevaert, qui est composée à la fois d’une structure de vente à Rueil-Malmaison et d’une usine à Pont-à-Marcq, près
de Lille. L’ensemble regroupe un millier d’utilisateurs.
Je pilote aussi le CRM Competency Center, qui gère les projets GRC au niveau mondial pour le groupe, ce qui touche directement 3 000 utilisateurs. Enfin, je participe au pilotage de grands projets de développement ou de
fusion-acquisition au niveau européen. Mon équipe en France réunit vingt personnes.Bénéficiez-vous de ressources fournies par le groupe ?
Toute la partie infrastructure, réseau et salles machines est mondialisée et gérée par le groupe selon des SLA (Service Level Agreement) très stricts. Cette organisation de type ‘ Follow the
sun ‘ est très satisfaisante puisque, par exemple, il existe un seul et même plan d’adressage IP pour l’ensemble du groupe.
En ce qui concerne la sécurité, les règles sont les mêmes partout et les pare-feu sont installés là où les débits sont les plus importants (aux Etats-Unis, en Asie-Pacifique et en Europe). Notre réseau est totalement maillé et
sécurisé. Nos deux salles machines utilisent huit modules SAP, ce qui est plus que la moyenne, et opèrent une sauvegarde en cas de problème.Pourquoi le choix de SAP ?
En 1999, pour pallier des problèmes de compétitivité commerciale, une restructuration du groupe s’est imposée et Agfa Europe a vu le jour. SAP a été choisi pour son aspect structurant, ce qui a été un formidable moteur d’évolution, mais
n’a évidemment pas fait que des contents. Mon équipe a participé pour la France à l’implantation du PGI. Aujourd’hui, tous les pays européens travaillent également sur SAP, et emploient les mêmes règles de gestion.Un projet lourd et difficile ?
L’implantation de SAP s’est révélée plus un projet de conduite du changement qu’un projet purement informatique. La Belgique, où est installée notre maison mère, ainsi que d’autres filiales européennes nous ont précédés. La mise en place
des premiers modules a été réalisée en sept mois. Comparés à ceux des autres entreprises de notre secteur, les coûts administratifs et de gestion des ventes étaient trop élevés. Il fallait réduire cet écart.
Le projet SAP s’est donc déroulé dans un contexte de restructuration du groupe et de réduction des effectifs. C’est une phase toujours très sensible, et cela rajoute de la complication à la gestion du changement.Quels problèmes avez-vous rencontrés ?
Il faut respecter des règles simples. D’abord, dire pourquoi il y a changement. Ce qui n’est pas toujours facile. Ensuite, préciser à chacun ce qu’il deviendra dans l’état ‘ cible ‘. Après
cela ?” et seulement après ?”, vous êtes capable de communiquer de façon claire et précise sur le projet.
Dans notre cas, ce sont plusieurs milliers de personnes, à l’échelon mondial, qui ont été touchées par cette restructuration. Au final, SAP est implanté de manière européenne dans plus de vingt pays, et ce, avec le même modèle de
gestion. La même opération est en cours sur les autres continents.Comment avez-vous réussi à implanter simultanément huit modules de SAP ?
Cela s’est fait en deux étapes. Dans un premier temps, le module FI/CO (Financial, Controlling), puis les modules SD (commercial) et PS (gestion de projet), ainsi que les composants de base de la plate-forme CRM-ISA
(Internet Sales). En parallèle, nous avons lancé les modules MM (gestion stocks et usines) et BW (Business Warehouse).Quels enseignements en avez-vous tirés ?
Dès le départ, notre stratégie globale a été d’adapter les process de l’organisation à SAP plutôt que d’essayer d’adapter SAP. Pour transmettre ce message dans le cadre de la gestion du changement, en France, nous n’avons pas demandé aux
utilisateurs clés d’adapter l’organisation à SAP, mais aux ‘ bonnes pratiques ‘, applicables à notre métier qui sont implémentées dans le logiciel.
Bien entendu, cela ne s’est pas passé sans dérives. Globalement, une grande partie du spécifique existant a été supprimée et nous avons profité de la partie structurante de SAP. Depuis lors, l’Asie-Pacifique a adopté la même
plate-forme que l’Europe. Le module BW profite à tout le monde, y compris à notre usine en Chine, où tourne le même applicatif que dans notre usine en Angleterre.La GRC est-elle incluse dans votre périmètre d’activité ?
En 1996, en France, notre modèle économique basé sur des agences régionales n’était plus viable. Notre métier de spécialiste devenait un métier de commodités ou de consommables. Il était nécessaire de regrouper les structures
administratives régionales et de piloter les vendeurs, à distance, à partir d’un point central. A cette occasion, nous avons démarré notre premier projet de GRC, à l’époque avec la V2 de Lotus Notes.
Ce projet a bien marché parce que nous avions de bons ‘ sponsors ‘ en interne, dont le grand patron, et l’appui de deux business units majeures. Nous entrions alors dans un domaine encore peu connu :
l’automatisation des forces de ventes.Comment cet applicatif a-t-il évolué ?
A la constitution d’Agfa Europe, en 1999, une équipe de vente européenne a été constituée. Le besoin d’un outil global de pilotage s’est alors imposé. Un benchmark des solutions internes et externes a été réalisé et
l’outil développé par l’équipe française a été retenu. Il s’est avéré à la fois simple, puissant et multilingue. Une dizaine de produits équivalents tournaient alors dans les autres filiales. En compilant et en harmonisant les pratiques de toutes
les filiales européennes, nous avons produit une solution hautement paramétrable.
Cette solution a été déployée mondialement par une équipe française de huit personnes qui l’a éditée, packagée et implémentée partout. Pour s’assurer des appuis locaux indispensables au changement que nous mettions en ?”uvre, nous
nous sommes intéressés de près aux spécificités business et aux cultures locales. Tous les membres de l’équipe s’en souviennent comme d’une des expériences les plus intéressantes de leur vie professionnelle.
Aujourd’hui, Syracuse ?” son nom d’origine que nous avons conservé ?” est toujours bâti sur la base Notes avec l’avantage de sa synchronisation et de sa sécurité, mais nous avons utilisé.Net pour obtenir une
interface utilisateur efficace et conviviale.Pour cela, il fallait également avoir des compétences marketing, non ?
Pour porter ce projet et le faire adopter par les autres pays, nous avons dû jouer en interne un véritable rôle marketing et commercial. Cette expertise de packaging et de vente des produits aux autres filiales nous sert et nous servira
à l’avenir, puisque nos clients internes doivent réaliser la même chose pour leurs propres clients. Nous essayons de vendre cette expertise en interne, avec une belle référence. Syracuse, notre outil GRC développé en France, est aujourd’hui déployé
aux Etats-Unis.Comment se peut-il qu’un DSI de filiale puisse avoir des responsabilités sur des projets européens, voire mondiaux ?
En France, il existe une usine de production, mais j’ai la chance d’avoir également la responsabilité de l’informatique d’une filiale commerciale. Le siège du groupe est situé à Anvers, où il n’y a qu’une usine. De ce fait, les
informaticiens du siège ne bénéficient pas de l’expertise client/commercial que nous possédons dans la filiale française. De plus j’habite à Lille… à une heure quinze d’Anvers. Cette proximité géographique est très importante, parce que c’est
au sein du siège belge que des choix stratégiques importants sont effectués.
Certes, ne pas avoir la nationalité du groupe international qui vous emploie est un handicap, qu’il faut essayer de faire oublier. Ainsi, il m’arrive très souvent d’assister à des réunions où je suis le seul Français. Je parle français
et anglais, et je comprends l’allemand. Cela me permet d’ailleurs de comprendre un peu ce qui se dit en flamand. Et, bien entendu, je n’ai pas oublié de faire savoir que ma grand-mère était belge…Quelle évolution personnelle espérez-vous connaître ?
L’informatique n’est pas une fin en soi. Je ferai sans doute autre chose un jour. Pour moi, l’informatique, ce sont deux choses : la technologie en elle-même, bien sûr, mais aussi ce qu’elle peut apporter dans les process ou les
produits de l’entreprise. A mon avis, à terme, les services informatiques tels que nous les connaissons disparaîtront. Par exemple, pour l’infrastructure, pas besoin d’équipes internes. En revanche, l’action d’architectes sera déterminante pour la
cohérence globale du SI, le contrôle du respect des SLA et la maîtrise des coûts.
Dans mon équipe, les chefs de projet sont encore tous informaticiens, mais ils se montrent très impliqués dans les métiers, en contact avec les opérationnels et décideurs de l’entreprise. Et se chargent même de la formation aux
utilisateurs clés. Et puis, dans une entreprise, dès que l’on veut bien s’y intéresser, tous les métiers sont compréhensibles… Surtout si vous les avez déjà plus ou moins informatisés.
A terme, je pense qu’il n’existera plus de service informatique en tant que tel dans les sociétés, mais uniquement des Central Process Offices, responsables de l’optimisation des processus de l’entreprise et en
charge de la coordination dans la mise en ?”uvre des technologies et solutions informatiques.Le métier de DSI tel que nous l’appréhendons est-il voué à disparaître ?
Un jour ou l’autre, toutes les directions générales vont exiger un nouveau type de DSI : le DSI-business. C’est-à-dire une personne qui parlera surtout négoce, mais qui continuera de maîtriser les technologies. Dans l’entreprise, le
DSI devra bouger. Et là, sa personnalité et son sens politique feront la différence.
Un jour où l’autre, certains DG vont recruter les DSI chez McKinsey ou ses confrères. Leurs consultants alignent cinq ans d’études supérieures, ils possèdent de l’expérience du pilotage d’entreprise et sont de plus en plus convoqués
sur des opérations où l’informatique est un levier du changement. C’est d’ailleurs en travaillant avec eux que j’ai décidé de faire un Executive MBA, afin de mieux comprendre ce qui m’avait échappé dans les rouages complexes d’une
entreprise.Quelles sont, pour vous, les innovations technologiques majeures ?
J’en vois deux. La première, c’est le réseau, c’est-à-dire internet, pour la globalisation et le sans fil, qui a permis à tout le monde de travailler partout et à tout moment. D’ailleurs, la notion de ‘ en dehors du
travail ‘ se dilue de plus en plus. Et les sociétés y ont beaucoup gagné : même en vacances, les gens restent connectés et joignables.
La deuxième est plus d’ordre méthodologique. Elle concerne les techniques liées à la gestion du changement. En effet, l’utilisateur reste souvent le ‘ maillon faible ‘ de notre SI… Mais nous lui
pardonnons. Après tout, c’est notre client !
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