Comment jugez-vous la crise actuelle ?Très simplement : pendant des décennies, on a connu l’endettement massif des pays sous-développés. Aujourd’hui, avec les faillites en cascade des entreprises de la nouvelle économie, c’est l’ensemble du monde occidental qui se trouve endetté. Résultat : toute la planète croule sous le surendettement. C’est dramatique.La faute à qui ?Essentiellement aux financiers, dans une proportion que j’évalue au minimum à 75 %. Revoyez le film Wall Street, sorti il y a une quinzaine d’années. Vous verrez que rien n’a vraiment changé, ni dans les méthodes, ni dans les pratiques financières. Au contraire, les choses se sont plutôt aggravées. Mais revenons-en à aujourd’hui.Quel tribut la France paye-t-elle à ce marasme mondial que vous décrivez ?Enorme. On cumule toutes les difficultés. Contrairement à nous, les Etats-Unis disposent d’un marché très grand, mais aussi très nationaliste. Dans les nouvelles technologies, par exemple, les Américains préféreront toujours leur produit ?”sauf à rechercher l’image du luxe. Là, ils privilégieront le produit français. En outre, les Américains s’adaptent facilement. Ils réagissent tout de suite. En France, on ressent une résistance forte au changement.Par exemple ?C’est peut-être un cliché, mais c’est vrai. Quand, dans une entreprise, il faut réduire instantanément la voilure, vous pouvez déjà compter cinq ou six mois de perdus, car les gens ne travaillent plus. Comment voulez-vous, dans ces conditions, payer les indemnités ? C’est pour ça que l’Icann a implanté son bureau européen en Angleterre, au lieu de le faire en France comme elle l’avait envisagé : à cause de cette rigidité du marché du travail.Justement, qu’attendez-vous des pouvoirs publics pour réactiver l’investissement dans les technologies de l’information ?Pour moi, l’homme politique doit être défini par son étymologie grecque : c’est d’abord l’homme dans la cité. Dans les domaines qui nous occupent, il doit s’intéresser à l’internet haut débit et contribuer, par sa réflexion, à la construction d’un réseau agnostique aux usages, c’est-à-dire vierge de tous préjugés. L’innovation et les services prennent ensuite le relais, pour créer des ruptures susceptibles de permettre à chacun d’évoluer. C’est ce qui a été fait dans les années 1990 avec la messagerie électronique et le web.Vous prêchez la diffusion et l’interactivité des services, mais elles n’ont pas suffi à sauver la nouvelle économie…Vous confondez diffuser et échanger ! Ce n’est pas du tout la même chose. Ainsi, Jean-Marie Messier a voulu répliquer, sur internet, ce qui avait fait le succès de la Générale des Eaux en son temps, à savoir la diffusion d’un produit de grande consommation. En l’occurrence, l’eau. Sur internet, ce n’est pas comme ça que ça se passe. Car le réseau, par définition, c’est d’abord de l’échange, du peer to peer, de la proximité. N’oubliez jamais le coefficient affectif dans le business. Vizzavi, le wap, tous ces produits et services qui relèvent exclusivement d’une démarche fournisseur, sont fondés sur le seul contenu. C’est l’application, stérile et inutile, du principe de la “PAF “.C’est-à-dire ?La pompe à fric.Quelles sont alors vos préconisations pour relancer la machine ?Encourager l’éclosion des utilisations, des services, des échanges sur la toile. Dans les télécoms, par exemple, il n’y a plus d’innovation. C’est très grave. Mais les gens sont également responsables de cette situation, puisque beaucoup pensent que l’apport d’internet a trouvé ses limites avec l’exploitation du web et des start-up. Mais c’est tout le contraire, on vient à peine de commencer ! Les start-up, c’est du service. Dans la photo numérique et dans le stockage, pour ne citer que ces domaines, internet doit être un vecteur d’usages.
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.