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Jean-Guy Sayous (Isty)

‘ Dans dix ans, un ingénieur de centre de services coûtera 40 % moins cher ‘

Jean-Guy Sayous est professeur et directeur adjoint de l’Institut des sciences et techniques des Yvelines (Isty) et responsable des relations avec les entreprises.Les centres de services organisés sur un modèle industriel se multiplient en Europe et en offshore. Cette concurrence est-elle saine ?


Ces centres ont d’abord bousculé le mode d’organisation des sociétés de services et des directions informatiques des sociétés utilisatrices, dans le sens d’une délégation croissante des secondes vers les premières. Aujourd’hui, les
centres de services des pays occidentaux et ceux des pays émergents se retrouvent en concurrence. Ils ont les mêmes compétences et le même objectif, à savoir la rentabilité. Avec les centres offshore, les prix des prestations continuent de baisser.
Et le secteur n’a pas fini de se consolider. Il y a fort à parier que, dans une dizaine d’années, le coût horaire d’un ingénieur travaillant dans les centres occidentaux aura considérablement chuté (entre 30 à 40 %). La tendance est d’offrir
plusieurs niveaux de services ­ en Europe et en off-shore ?” et de mutualiser ressources, prestations et systèmes. De plus en plus, ces centres seront délocalisés dans les pays émergents à faible coût de main-d’?”uvre.L’image du centre européen plutôt sur la défensive, confronté à l’agressivité des centres offshore, est-elle exacte ?


Les pays occidentaux et les pays émergents perçoivent les choses de façon diamétralement opposée. En Europe occidentale, l’exigence d’efficacité s’accroît. Or, les salaires, en baisse ou en stagnation, ne sont pas à la hauteur de
l’effort demandé. Ce qui génère de l’insatisfaction. Les centres adoptent une stratégie défensive face à la concurrence des pays émergents. Pour l’instant, ils n’ont pas le choix. Je parlerais même de réflexe de survie. Dans ce contexte, certains
directeurs de centres européens ne peuvent travailler dans la sérénité. Ce qui est inquiétant. A l’inverse, les centres offshore sont offensifs : leur ambition est de s’emparer de parts de marché. Ils offrent des opportunités d’emploi, et donc
de promotion sociale. L’état d’esprit y est positif. Leur savoir-faire est récent. Ils supportent mieux le stress, car la contrepartie et les perspectives d’évolution ne sont pas les mêmes.Quel type de centres de services de proximité trouvera-t-on ?


Il est difficile de savoir quelles prestations perdureront dans un centre de proximité. La médiation entre la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’?”uvre informatique offre encore beaucoup de perspectives. Il faudra davantage de profils
formés aux processus métier des clients comme à l’ingénierie des systèmes d’information. Le dirigeant d’un centre devra à la fois avoir des compétences métier, savoir piloter l’exécution de plusieurs contrats, et gérer en interne les équipes. Mais
il lui faudra aussi travailler dans un esprit de partenariat avec ses clients. Car, trop souvent, c’est la productivité qui prend le dessus.Que risque celui qui y travaille ?


Dans une logique de rentabilité, la valeur de l’individu peut être perdue de vue. Avant, nous confondions la fonction et l’individu : les critères d’appréciation de l’un et de l’autre étaient implicites ; ils se compensaient.
Aujourd’hui, l’environnement économique implique de bien les distinguer. La valeur de la fonction s’estime surtout d’un point de vue purement financier. Mais celle de l’individu reste à (re)définir. Et, à partir de là, la valeur de l’ensemble
individu-fonction.Les jeunes ingénieurs sauront-ils s’immerger dans ces structures de services ?


La génération qui navigue avec aisance sur Internet et a découvert la philosophie du virtuel devrait, a priori, pouvoir mieux appréhender cette nouvelle économie de réseau. Et travailler à distance dans un centre de
proximité avec des centres qu’elle ne connaît pas. Tant que les différences culturelles subsisteront, les besoins de proximité et d’intermédiation existeront. Internet a déjà réduit les distances…Fait-il bon vivre dans ces centres de services mutualisés ?


A tous les niveaux, les équipes travaillent avec un système d’objectifs de plus en plus exigeant. La mutualisation, qui ajoute de la complexité, peut être source de stress. Mais la pression est mieux acceptée si la contrepartie des
efforts est perçue positivement. Les centres de services sont aussi des lieux où il fait bon vivre et travailler. Tout dépend de la perception qu’en ont les équipes et le management. Où que ces centres soient situés, leurs dirigeants doivent rendre
des comptes à leur direction sur la rentabilité et satisfaire leurs clients.

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Clarisse Burger, Xavier Biseul et Corinne Zerbib