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Jean-Christophe Berthod (Alpha)

‘ Les SSII recherchent de plus en plus de gestionnaires, de managers, de compétences fonctionnelles. ‘

Jean-Christophe Berthod est responsable du pôle SSII-éditeurs du groupe de conseil et d’audit Alpha. Il est également coauteur d’une Etude du phénomène offshore dans le secteur informatique : épiphénomène ou
tendance lourde pour le marché des logiciels et services informatiques ?.
01 Informatique : Les SSII respecteront-elles les prévisions d’embauche particulièrement soutenues qu’elles annoncent ?


Jean-Christophe Berthod : Oui, pour les grandes. Capgemini, Atos Origin ou Sopra ont publié de très bons résultats au premier trimestre. La croissance annoncée de 5 % en 2005 repose sur les grands prestataires, les
petits continuant à se restructurer. La tendance aux contrats dits de massification ?” c’est-à-dire la reprise et la rationalisation de la sous-traitance ?” favorise cette dichotomie.


Dans le cas de Renault, trois donneurs d’ordres reprennent la gestion de 200 sous-traitants. Il faut toutefois se garder de parler de tensions sur le marché, voire de pénurie. Le sureffectif est estimé à 45 000 salariés.
Avec une création nette évaluée par l’Apec de 2 000 emplois en 2004, il faudrait à ce rythme plus de 22 ans pour le résorber !Quels sont les profils qui tireront leur épingle du jeu dans les années à venir ?


Les SSII recherchent de moins en moins d’informaticiens et de plus en plus de gestionnaires, de managers, de compétences fonctionnelles. Il n’est pas nécessaire de sortir d’une école d’ingénieurs pour être chef de projet
offshore, responsable de production dans un centre de services ou pilote de petites SSII sous-traitantes. Ces nouveaux métiers émergent avec l’industrialisation et la professionnalisation croissante du secteur. Les SSII
recourent de plus en plus à des briques élémentaires, packagées, codifiées à l’avance.


Pour autant, je ne crois pas à la fin organisée des programmeurs en France. La standardisation des systèmes d’information reste à faire et les développements spécifiques sont encore légion. Même si avec les méthodologies (Itil, Six
Sigma…), on gagne en productivité, on aura toujours besoin de professionnels de haut niveau, spécialisés dans le métier du client.Industrialisation rime souvent avec délocalisation, quel est l’impact de l’offshore sur l’emploi en France ?


Plus que la destruction directe d’emplois, évaluée entre 2 et 4 % selon les sources, le vrai impact de l’offshore tient dans la non-création d’emplois qu’il entraîne. Dans une étude commanditée par le Sénat, le
cabinet Katalyse a estimé ce nombre à 30 000 postes d’informaticiens pour la période 2006-2010. Je me garderais d’avancer des chiffres. Je constate néanmoins que sur les chantiers offshore sur lesquels j’ai travaillé
en 2004 et 2005, les plates-formes mises en place bénéficiaient à l’emploi du pays retenu, mais n’occasionnaient pas systématiquement de licenciements en France.


En revanche, les projets de délocalisation sont souvent un prétexte mis en avant pour supprimer des postes davantage liés à des problématiques internes : pyramide des âges, réduction des coûts, évolution du modèle… La
révolution offshore tient avant tout aux gains de productivité apportés par le recours aux méthodologies, aux processus d’industrialisation. Des bonnes pratiques que les sociétés françaises chercheront chez les prestataires
indiens Tata ou Infosys.Le papy-boom a-t-il des conséquences sur un secteur connu pour son jeunisme ?


Oui. Avec la crise, les SSII ont arrêté de recruter et il y a un trou de deux à trois ans dans leur pyramide des âges. On assiste donc à un vieillissement de la population, avec une moyenne d’âge oscillant entre 34 et 37 ans. Le
papy-boom se fait déjà sentir sur les compétences mainframe et le recrutement de jeunes diplômés ne résoudra pas le problème. Les environnements grand système n’étant plus enseignés en école d’ingénieur. On a cru que les
technologies ouvertes allaient tout remplacer. A tort. L’infogérance d’infrastructure reste un marché essentiel pour Atos Origin, HP ou IBM.Comment les SSII vont-elles attirer ces jeunes diplômés alors qu’elles traînent une mauvaise réputation ?


Le secteur souffre effectivement d’un déficit de communication. Et c’est dommage car il a gagné en attrait. Auparavant, la seule perspective d’un salarié était de démissionner pour trouver un meilleur poste dans une autre SSII ou
 ?” voie classique ?” de rejoindre une DSI. Aujourd’hui, avec le mouvement de professionnalisation, il est possible de faire carrière en SSII. Dans un centre de services, on trouve de nouveaux postes de management intermédiaire de
type chef d’équipe ou chef de plateau. Un ascenseur social à plusieurs étages.


Aux SSII, maintenant, de valoriser ces filières en mettant en ?”uvre une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Elles auraient tout à gagner à favoriser la mobilité interne plutôt que de recruter au
coup par coup comme elles le font si souvent.

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Xavier Biseul, Laurence Plainfossé et Corinne Zerbib