La Cour suprême des États-Unis a offert lundi une retentissante victoire à Google dans sa bataille judiciaire contre l’éditeur américain de logiciels Oracle, une saga aux enjeux à plusieurs milliards de dollars sur les droits d’auteur du langage de programmation Java. Dans sa décision, la plus haute instance judiciaire américaine estime que Google a utilisé de façon « légitime » le code Java dans le développement de son système d’exploitation Android.
« Nous sommes parvenus à la conclusion que dans ce cas, où Google a réutilisé une interface utilisateur en ne prenant que ce qui était nécessaire pour permettre aux utilisateurs de mettre à profit le cumul de leurs talents, la copie par Google de l’interface de programmation (API) Sun Java représente un usage légitime de ce contenu sur le plan du droit », écrit le juge Stephen Breyer au nom de la majorité.
Six membres de la haute cour se sont prononcés en faveur de Google et deux ont formulé une opinion contraire. Amy Coney Barrett, nommée par Donald Trump, mais qui n’avait pas encore été confirmée par le Sénat lorsque la Cour suprême s’est saisie du dossier, n’a pas participé au jugement.
Une « victoire pour les consommateurs »
Dans la plainte originale, Oracle réclamait 9 milliards de dollars en dédommagements à Google pour avoir copié plus de 11 000 lignes de code informatique afin de développer son système d’exploitation Android, utilisé par des milliards d’appareils mobiles dans le monde. Deux tribunaux de première instance avaient donné raison à Google, mais une cour fédérale d’appel avait pris le contre-pied en 2018, poussant le géant californien à se tourner vers la Cour suprême.
« Le jugement clair de la Cour suprême est une victoire pour les consommateurs, pour l’interopérabilité et pour l’informatique », s’est réjoui Kent Walker, responsable des opérations mondiales chez Google. « La décision donne une sécurité juridique pour la prochaine génération de développeurs dont les nouveaux produits et services bénéficieront aux consommateurs. » Depuis plusieurs années, Google et plusieurs de ses alliés dans la Silicon Valley défendent l’idée qu’une extension de la notion de droits d’auteur aux API constituerait une grave menace pour l’innovation numérique.
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De son côté, Oracle s’est désolé de la décision de la Cour Suprême et a renouvelé ses attaques à l’encontre du géant des moteurs de recherche. « La plateforme de Google vient encore de grossir et son pouvoir de marché de se renforcer », a réagi Dorian Daley, directeur juridique d’Oracle. « Les barrières à l’entrée se sont élevées et la capacité de rivaliser a diminué. Ils ont volé Java et ont passé une décennie à intenter des actions en justice comme seul peut le faire le détenteur d’un monopole. » « Cette attitude est la raison même pour laquelle les régulateurs aux États-Unis et dans le monde examinent les pratiques de Google », a-t-il ajouté.
Parallèlement, Google a décidé d’abandonner dans les prochaines semaines le logiciel de gestion financière d’Oracle au profit de celui du groupe allemand SAP, a confirmé lundi à l’AFP un porte-parole du groupe californien. Selon CNBC, qui a révélé cette information, cette décision n’est cependant pas directement liée à la bataille autour des droits d’auteurs entre les deux entreprises.
Le débat n’est pas clos
Pour John Bergmayer de l’organisation Public Knowledge, spécialisée dans les questions de propriété intellectuelle, la décision de la Cour Suprême est logique. « Le jury des tribunaux de première instance avait conclu que l’utilisation de l’API Java par Google représentait un usage légitime et la Cour est parvenue à la même conclusion avec sa propre analyse ».
L’expert note néanmoins que l’instance judiciaire n’a pas clairement tranché si les interfaces de programmation devaient ou non être protégées par des droits d’auteur. « Un jour ou l’autre, la Cour ou le Congrès auront à répondre à cette question, car une décision selon laquelle les API ne doivent pas être couvertes par les droits d’auteur profiterait à la compétition et à l’interopérabilité de nombreuses façons », estime M. Bergmayer.
Dans un argumentaire divergent, le juge Clarence Thomas, qui a voté contre Google, écrit en revanche que la Cour suprême aurait dû appliquer les principes de la protection des droits d’auteur. « La Cour a injustement évité de répondre à la principale question qui nous était posée : la déclaration d’un code est-elle protégée par le droit d’auteur ? J’estime que oui. Les codes informatiques occupent une place unique pour la propriété intellectuelle », défend le juge Thomas.
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