Comme beaucoup d’autres grands noms du manga (les mangaka), CLAMP a fait ses armes dans le milieu du doujinshi, ces fanzines plus ou moins amateurs à la diffusion très limitée. Le plus souvent, on y parodie et on y détourne autant qu’on rend hommage à des œuvres plus commerciales. Ça a été le cas de Captain Tsubasa (Olive et Tom), un shônen qui a inspiré une multitude de doujinshi, essentiellement à coloration homo-érotique, la tension des matchs et la moiteur des vestiaires se prêtant fort bien à ce genre d’interaction virile fantasmée.
Des onze membres originaux du studio CLAMP, seuls quatre sont encore de la partie quand paraît en 1989 RG Veda, première œuvre originale du collectif, librement inspirée des écrits védiques de la religion hindouiste, rapidement suivie du fascinant Tôkyo Babylon. Quatre membres qui ne se sépareront plus pendant les vingt années suivantes, prenant d’assaut le marché du manga et parvenant à s’imposer dans tous les registres et sur tous les supports.
L’union fait la force
CLAMP, c’est avant tout une synergie incroyable, un rythme de travail hallucinant, quatre femmes totalement dévouées à leur art. La structure et le mode de production sont des plus atypiques : contrairement à la plupart des studios de mangas, constitués d’un auteur – qui signe les œuvres – et d’un certain nombre d’assistants anonymes – chargés des « basses besognes » (encrage, tramage, etc.), CLAMP travaille en circuit fermé, sans faire appel à des ressources externes. Ce qui ne signifie pas pour autant l’absence de toute hiérarchie ou d’une organisation draconienne.
La division du travail y est en effet très stricte. Le leader du groupe, Nanase Ohkawa, fait office d’auteur principal (chapeautant écriture et découpage), de porte-parole, d’organisatrice en chef, un rôle qu’elle assume sans complexe lors des rares interviews du groupe, laissant le plus souvent ses collègues mutiques et effacées.
Mokona est la dessinatrice principale, sans nul doute celle à qui on doit la patte graphique caractéristique de CLAMP. Satsuki Igarashi seconde Ohkawa, s’occupant de la répartition des tâches et des emplois du temps, tout en réalisant l’encrage et, parfois, le character design de certaines œuvres (comme Chobits).
Enfin, Tsubaki Nekoi, initialement spécialisée dans le tramage, les corrections graphiques et les personnages SD (Super Deformed, les petits personnages souvent utilisés à des fins comiques comme dans les making-of du groupe), a progressivement pris une importance croissante, jusqu’à devenir illustratrice principale sur des oeuvres comme xxxHolic.
La distribution des rôles évoluant avec le temps, on a assisté progressivement à une convergence des styles, où l’influence dominante de Mokona s’est petit à petit métissée de celle de ses collègues. Le mode de vie du groupe est resté nimbé de mystère, ouvrant la voie à toutes sortes de spéculations. On sait tout juste que, travailleuses acharnées, elles n’ont pour ainsi dire pas de vie privée.
Force et finesse
Le travail de CLAMP est aisément reconnaissable, et ce n’est pourtant pas faute de diversité. Hyper versatile, le groupe a investi tous les genres, à destination de tous les publics. La plupart de leurs œuvres transcendent sans peine les catégories usuelles du Shônen/Shôjo/Seinen, captivant un lectorat toujours plus étendu. La finesse et la grâce du trait, les personnages longilignes, l’élégance des drapés et des volutes, le découpage et la mise en page très élaborée sont autant de marques de fabrique, déclinées dans un panel extrêmement vaste de genres et de thématiques. On retrouve souvent chez elles le thème de la fatalité, comme dans X/1999, avec ses personnages au destin tragique, que l’on sait inéluctable dès la première page.
Une spiritualité déviante et un goût profond pour l’occultisme caractérisent nombre de leurs œuvres. Le thème de l’homosexualité, masculine et féminine, est omniprésent, traité avec empathie et sensibilité. Elles papillonnent du récit mythologique à la fable cyberpunk (Chobits, Clover), en passant par le genre hyper codifié de la Magical Girl (Card Captor Sakura) et de l’heroic-fantasy (Magic Knight Rayearth), le tout avec une facilité déconcertante.
Petit à petit, un véritable univers CLAMP s’est mis en place, unissant nombre d’œuvres dans un cadre assez lâche : de nombreux personnages sont régulièrement réutilisés dans des titres pourtant fort différents (xxxHolic, Card Captor Sakura et Tsubasa Chronicle, par exemple). Tant sur le fond que sur la forme, les œuvres de CLAMP ont marqué nombre d’artistes et orienté bien des vocations, de l’hommage appuyé au plagiat caractérisé, au Japon comme à l’étranger.
Après vingt ans de succès critiques et commerciaux ininterrompus, le groupe a allègrement dépassé les 100 millions de recueils vendus dans le monde, et l’essentiel de leurs œuvres a été adapté en animation et en jeu vidéo. Difficile pour quiconque consomme de la culture japonaise contemporaine de passer à côté de la tornade CLAMP. Même les fans de baston pure et dure auront droit à un costume spécial (porté par Jin Kazama) créé par le groupe, en exclusivité pour la version console de Tekken 6 !
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