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J’ai consulté les toubibs du Net

Déranger son médecin pour un nez qui coule ? Une perte de temps. Aller lui parler de sa vie sexuelle ? Gênant. Heureusement, les e-docteurs sont là. Convaincants ?

Avez-vous déjà eu peur de votre PC ? Peur : les mains moites, le c?”ur qui bat la chamade… Moi aussi, je croyais que seul un message du genre “Disque dur en cours de destruction” pourrait me mettre dans un tel état. C’était avant de tomber sur le diabolique notredocteur.com.”Grâce au robot IADB, pour la première fois en France, obtenez de manière automatique et instantanée l’interprétation de vos analyses biologiques“, promet la page d’accueil de ce site médical. En voilà une bonne idée ! Pourquoi attendre le prochain rendez-vous chez le médecin pour décoder mon check-up ?Hélas ! Les problèmes surgissent rapidement. Première étape : je dois choisir, parmi une liste impressionnante d’analyses, celles qui me concernent. Tout sauf enfantin. Qui, même doté d’une bonne culture générale, sait que la créatinémie n’a rien à voir avec la créatininémie ? Et la bilirubine totale, où dois-je l’inscrire ? Le robot, lui, ne connaît que la bilirubine conjuguée ou non conjuguée.

Un professionnel, même maladroit, sera toujours plus humain qu’un PC

La deuxième épreuve est plus simple : il suffit d’indiquer si les résultats sont en deçà ou au-delà de la fourchette mentionnée comme normale. Autrement dit, si votre taux de cholestérol dépasse la norme, le robot se fiche de savoir si c’est de 0,1 ou de 2 g/l. On ne peut s’empêcher de penser qu’un médecin en chair et en os aurait un sens des nuances plus développé…Le diagnostic ? Le robot me demande si je veux toute la vérité (“Y compris les maladies très graves“) ou seulement une version soft. Après tout ce boulot, comportons-nous en adulte !Aïe, un message en rouge s’affiche ! “Vous allez peut-être découvrir un mot qui fait peur : cancer, métastases… [il dit ça pour moi ou en général ?] Sachez que cette hypothèse fait partie des cas les plus rares et qu’elle s’accompagne souvent d’autres troubles que vous auriez déjà perçus [je ne me sens plus très bien d’un coup]. Cela ne veut pas dire que vous êtes atteint de cette pathologie, au même titre que si l’on sait que traverser la rue expose à se faire écraser, ce n’est heureusement pas systématique. “Franchement, si mon médecin me débitait de pareilles sornettes, je vérifierais qu’il est bien inscrit au conseil de l’Ordre. Il n’empêche, à ce stade, le suspense devient insoutenable. Verdict ? Incertain, pour le moins. J’apprends ainsi que la vitesse de sédimentation atypique peut révéler au choix : une infection, un début de grossesse, un cancer ou encore une mystérieuse “maladie de Horton“.Me voilà éclairée ! Ce que j’en pense ? Qu’un robot est incapable de se substituer à un bac + 10. Et que, quitte à apprendre le pire, un médecin, même maladroit, sera toujours plus humain que mon PC. Quoique ça se discute, paraît-il.Comment procéder pour trouver un e-toubib qui vous plaise parmi l’offre pléthorique de sites médicaux ?Quelques indices permettent de savoir assez vite à qui on a affaire. D’abord, le style de sujets abordés dans la page d’accueil. Entre “Bientôt le cannabis en spray” et “Comment traiter la dégénérescence maculaire“, on sent une différence d’approche équivalente à celle qui sépare Paris Match du Monde diplomatique.D’autres sites semblent considérer que l’actualité médicale la plus brûlante du moment réside dans des titres comme “L’amant parfait” ou encore “Le sexe au bureau : c’est rigolo“. Des spécialistes de la santé du dessous de la ceinture, sans doute…

Ils ne se mouillent pas… même pour le dosage maxi de l’aspirine

Toujours sur la page d’accueil, l’offensive commerciale est parfois envahissante. Quand, d’emblée, on veut vous fourguer des “gélules pour la vitalité des articulations au prix exceptionnel de 49,95 F“, difficile d’accorder de la crédibilité à l’article médical situé à côté.Autre lien sur lequel il faut cliquer d’urgence : la page “Qui sommes-nous“. Le fait que le site émane d’un laboratoire de plantes médicinales ou d’une start-up lancée par un acupuncteur inconnu et un business angel ne veut pas dire qu’il soit nul.Mais, personnellement, la présence d’éminentes blouses blanches me rassure. Dans le comité scientifique de medisite.fr, on trouve, entre autres, les professeurs Frydman, Tursz et Munnich, chefs de service respectivement à Clamart, Villejuif et Necker-Enfants malades.Comme dans la vraie vie, la plupart des médecins du web posent des tas de questions indiscrètes avant d’écouter nos maux. Et nous, dociles comme des agneaux dès qu’il s’agit de notre santé, on y répond allègrement.Comment résister quand on vous affirme que “la pertinence des avis médicaux est directement liée aux informations personnelles que vous aurez fournies ” ? Alors, tout, on dit tout : taille, poids, âge des enfants, type de peau, etc. Ce n’est que plus tard que l’on commence à douter : toutes ces investigations n’auraient-elles pas pour but d’alimenter des fichiers en abusant de la situation d’infériorité propre au patient ?Certes, les nombreux sites qui promettent de répondre (dans un délai d’un jour à une semaine) aux questions qui leur sont adressées par e-mail honorent cet engagement avec diligence. Mais les conseils sont très limités.Exemple : “En cas de migraine, quelle dose maximale d’aspirine puis-je prendre en une journée ? ” Réponse du e-toubib : “Je ne connais pas vos antécédents et je ne vous ai jamais examiné. Veuillez plutôt consulter votre médecin. ” Bizarre : pour répondre à une question aussi bénigne, mon pharmacien ne m’a jamais demandé de me déshabiller !En fait, les portails médicaux s’attachent à ne rien fournir en ligne qui ressemble à un diagnostic, une consultation ou une prescription. Cette politique, dictée par des soucis juridiques, éthiques et de non-concurrence vis-à-vis des professions médicales, est tout à leur honneur. Mais l’internaute souffreteux reste frustré.Une astuce permet de contourner en partie cet obstacle : posez votre question de façon anodine, comme si cela ne vous concernait pas et que vous cherchiez juste à parfaire votre culture médicale. Une requête ainsi formulée sur les médicaments destinés à faire baisser le cholestérol m’a ainsi valu une réponse très éclairante sur deux pages du Doc de medinweb.fr. Suffisante en tout cas pour aborder ensuite le sujet avec un médecin sur des bases moins déséquilibrées qu’à l’habitude.C’est probablement là l’intérêt majeur des sites médicaux : préparer ou compléter une visite au cours de laquelle le médecin ne répond jamais à toutes nos interrogations, par manque de temps ou d’attention, ou simplement parce qu’elles nous sont venues qu’après coup.Exemple : les interventions chirurgicales. Sur c-votre-sante.fr, on vous révèle tout : la durée de l’opération, son but, les gestes que fera le chirurgien, le temps de rétablissement…Autre cas, les questions délicates à aborder comme les problèmes sexuels, l’alcool ou les troubles alimentaires. Plus facile de se confier à un toubib virtuel, non ? Medisite.fr propose une batterie de tests très bien faits permettant d’évaluer la gravité de votre état.Côté pratique, les portails médicaux regorgent d’idées futées (lire le tableau ci-dessous) : notices détaillées de tous les médicaments, gestion on-line des carnets de santé et de vaccination, recherche d’un médecin perdu de vue, etc. Unique en son genre, le site Travhealth offre de nombreux services aux voyageurs prévoyants. On y apprend, par exemple, à décliner en cinq langues ses affections récurrentes. Car, même quand on a fait allemand première langue, on ne sait pas forcément que conjonctivite se dit “Bindehautentzündung“.

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Sylvie Bommel