01net. : Comment définiriez-vous le rôle de l’ADAE ? Jacques Sauret : L’agence n’est pas une instance de développement en tant que telle, ni d’exploitation. Nous sommes plutôt une instance de maîtrise d’ouvrage, de pilotage, avec des personnes de haut niveau
aux profils variés. L’agence a pour vocation de fédérer les actions des différentes administrations, essentiellement celles de l’Etat, mais également de coordonner, d’impulser ou de soutenir les actions des autres
administrations, notamment les collectivités territoriales, en matière d’administration électronique.Pouvez-vous dresser un état des lieux des grand chantiers en cours, de leur aboutissement et de ce qu’il reste à mener en matière d’e-administration en France ? Un certain nombre de ces chantiers ont été annoncés par Henri Plagnol, secrétaire d’Etat à la Réforme de l’Etat : le changement unique d’adresse, l’obtention d’un extrait d’acte de naissance à
distance, la demande de subvention par les associations via un guichet unique, la création d’un espace personnalisé ‘ mon.service-public.fr ‘ sur le portail d’information service-public.fr. L’idée est,
en effet, de s’orienter vers une personnalisation des éléments d’information généraux de services publics à la demande de l’usager. Etant donné les enjeux en termes de sécurité, de confidentialité des échanges (les données sont
nominatives), nous sollicitons 100 pionniers à partir du mois prochain pour définir leurs besoins et tester en grandeur nature l’outil. Le service sera proposé progressivement dès 2005. D’autres projets sont en cours de discussion et
seront annoncés lors du comité interministériel à la réforme de l’Etat à la mi-janvier.Comment organisez-vous vos priorités entre l’amélioration des procédures informatiques existantes et le développement de nouveaux services administratifs numériques ? L’ADAE doit d’abord régler des enjeux liés au système d’information. La partie informatique n’est pas minime mais elle reste mineure à la fois en termes de coûts et de complexité. La partie
organisationnelle et la conduite du changement sont plus délicates. Aussi, et c’est un sujet qui tient beaucoup à c?”ur de Jean-Paul Delevoye et d’Henri Plagnol, nous insistons beaucoup sur la formation, sur le dialogue,
l’appropriation par les agents, la remise à plat des processus. Ce qui ne veut pas dire que l’on va tout remodeler, nous allons simplement reposer toutes les questions sur tel ou tel processus.Quels freins (humains, techniques, financiers) rencontrez-vous en général ? Ils sont classiques. Sur le plan humain, il faut associer les usagers, les agents publics, l’administration en tant qu’institution pour réduire les blocages. Sur la partie technique, les freins sont plutôt liés à la
connexion locale / nationale. En effet, le point d’entrée essentiel pour l’accès aux télé-services sont les sites des collectivités territoriales, notamment des communes. Or, nous voyons bien que les applications nationales ne pourront
s’interconnecter avec des milliers de sites globaux. Il faut donc que l’on arrive à proposer des entités interrégionales, nationales qui, en ‘ marque blanche ‘, permettront d’élaborer des échanges avec les
grandes applications nationales. Sur le plan budgétaire enfin, les administrations ne peuvent plus ?”uvrer seules sans tenir compte de l’ensemble du dispositif. Elles sont donc très fortement incitées à mutualiser leurs outils et à partager
les coûts.Faites-vous des comparatifs avec d’autres pays développés? Oui, nous commençons à en réaliser de plus en plus. Les éléments sont assez contradictoires en fonction des sondages, des études. La France oscille entre une place moyenne et une place honorable. Les différences institutionnelles
jouent beaucoup il est vrai. Contrairement aux pays d’Europe du Nord, en France, la question des libertés publiques et individuelles se pose avec plus d’acuité. Mais, comparativement à d’autres pays qui ont ce même type de
sensibilité, un grand nombre d’initiatives ont été menées, de façon un peu disparate. Nous sommes donc peut-être un peu en retard mais nous allons le rattraper très largement.Quelle est la position de l’ADAE en matière de logiciels Open Source utilisés dans les administrations ? Nous n’avons pas de position très ferme sur le sujet. Nous considérons qu’il ne faut pas opposer le mode ‘ propriétaire ‘ et le ‘ libre ‘. Nous souhaitons qu’il y ait une réelle
concurrence à tous les niveaux. A ce titre, nous allons proposer qu’un certain pourcentage des postes de travail des agents de l’Etat s’appuie sur d’autres plate-formes que Windows. Nous ne souhaitons pas évincer
Microsoft mais, lors d’un appel d’offres, une concurrence doit s’exercer. Nous allons également tester les logiciels libres pour déterminer leurs impacts réels en termes de formation des agents, de coûts… Autre enjeu : le
modèle économique du libre. Aujourd’hui, un certain nombre d’industriels, américains pour la plupart, interviennent dans le libre plutôt pour se concurrencer. Pour l’heure, le monde de l’Open Source n’est pas un
modèle économique. Nous souhaitons que les SSII de toutes tailles, françaises et européennes, puissent retrouver une place importante dans les développements informatiques. Ce faisant, le monde du libre me semble une très bonne orientation à
condition que la rentabilité soit possible pour ces SSII, notamment les petites. Je m’interroge et je voudrais qu’on lance le débat avec les industriels et les administrations pour élaborer l’équivalent d’une
normalisation. L’idée est de clarifier un petit peu le paysage.Quel est aujourd’hui le montant des investissements TIC des administrations françaises ? Selon la direction du budget, ce montant s’élève à environ 1 milliard d’euros pour l’année 2003, hors dépenses de personnels. Les administrations sont en sous investissement par comparaison avec le secteur privé
où le ratio est plus élevé. Les systèmes d’information sont encore trop souvent considérés comme un coût et non un investissement (c’est-à-dire une dépense débouchant sur une rentabilité). Une prise de conscience commence à naître, et
l’une des missions de l’ADAE est précisément de sensibiliser les responsables sur ces enjeux. Ceci dit, je sais que la contrainte budgétaire ne permettra pas de combler ce retard, au moins dans un avenir proche. Il convient donc de
faire mieux avec le même montant, en rationalisant la dépense et en évitant les duplications.
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