Les créateurs d’entreprise sont les nouveaux ” chevaliers sans peur et sans reproche ” de notre époque. Ils jouissent du titre prestigieux de PDG sans supporter les attributs d’image négatifs associés à cette fonction résultant de deux siècles de lutte des classes et d’action syndicale. Leurs revenus rondelets, leurs avantages en nature et la perspective de plus-values importantes grâce aux stock options ouvrent la voie aux rêves les plus fous. L’heure n’est pas aux cassandres qui répètent que 90 % des jeunes pousses actuelles disparaîtront dans les deux années à venir.
La création d’entreprise semble appartenir à une catégorie de paris, où il n’y a pas que des gagnants ! L’éventualité d’un dépôt de bilan n’est pas perçue comme une sortie honteuse. La loi du 25 janvier 1985 sur les entreprises en difficulté est passée par là. La ” faillite ” n’est plus un événement ignominieux, mais un acte technique qui permet de mettre fin à la vie d’une entreprise en laissant ses dettes à la charge d’autrui. La femme ou l’homme qui est à la tête d’une SARL ou d’une SA se sent à l’abri de toute responsabilité financière sur son patrimoine personnel ! Généralement, il n’a pas entendu parler de l’article 180 de la loi, qui dit : “Lorsque le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées… par tous les dirigeants.” Le dirigeant qui prend connaissance de cet article du Code de commerce est rarement ébranlé, car il est certain de bien gérer son entreprise. Une lecture attentive de la jurisprudence associée devrait néanmoins éveiller son attention.
En effet, le fait de poursuivre une activité déficitaire constitue une faute de gestion caractérisée. Le nombre de jeunes pousses qui n’attendent pas de bénéfice avant 2003 fait réfléchir ! Cette même jurisprudence indique que le fait, pour un dirigeant, de s’octroyer une rémunération excessive ou celui d’effectuer des achats inconsidérés de véhicules constituent des fautes de gestion.
La situation devrait être d’autant plus préoccupante pour les dirigeants de jeunes pousses que les premières affaires de ce type devraient être jugées à partir de 2003, date à laquelle les formations de jugement des tribunaux de commerce seront présidées par des magistrats professionnels, qui ont la réputation d’être extrêmement rigides dans ce domaine. Un malheur n’arrivant généralement pas seul, le dirigeant défaillant pourrait découvrir qu’il a donné sa caution lors d’opérations de crédit-bail et qu’il en est responsable à titre personnel.
Le pire n’est peut-être pas encore arrivé. Les présentations avantageuses des comptes qui ont permis de financer l’entreprise peuvent devenir des fautes pénales pour falsification de comptes sociaux, et les avantages en nature non déclarés se transformer parfois en abus de bien sociaux. Les risques juridiques ne doivent pas arrêter les créateurs d’entreprise, mais il est temps qu’ils comprennent que SARL et SA ne riment pas toujours avec irresponsabilité.
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