Après l’euphorie puis le rejet, l’e-learning entre dans une phase de maturité, estime Jacques Coquerel, le président de la Cegos. Même si les freins, dûs aux entreprises ou aux salariés, restent nombreux.Alors que l’e-learning peine à décoller, comment envisagez-vous l’évolution de la formation ?La demande de formation va augmenter au cours des prochaines années. Car les salariés ont de plus en plus besoin de compétences. Mais les entreprises disposeront de moins d’argent et moins de temps pour pourvoir à cette demande. Dans ce type de situation, les nouvelles technologies se présentent comme un miracle, puisque ce sont des systèmes qui permettent de se former quand on en a besoin, et à moindres coûts ?” ils sont mutualisables et, de plus, l’emploi d’un formateur à plein temps n’est pas toujours nécessaire. Mais les miracles, cela n’existe pas. Derrière ces avantages, plu-sieurs inconvénients sont apparus. Tout d’abord, cela coûte plus cher que prévu. On passe d’une logique de dépense au fil de l’eau ?” on consomme, puis on paye ?” à une logique d’investissement : il faut commencer par investir des millions de francs dans les nouvelles technologies avant de pouvoir former. Le retour sur investissement ne survient qu’après. Des inconvénients se manifestent aussi sur le plan technologique. D’une part, les débits des systèmes d’information ne sont pas, pour l’instant, suffisants pour véhiculer de l’information en grande quantité, notamment de l’image. D’autre part, les entreprises sécurisent de plus en plus leur système d’information interne. Enfin, troisième point : la réaction des salariés. Ils redoutent d’avoir à se former à domicile ou le soir un peu tard. En raison de ce faisceau de contraintes, cette solution miracle n’a pas explosé comme on aurait, logiquement, pu s’y attendre. Après une période de balbutiements, où l’on est passé d’une phase d’euphorie à une période de retrait, nos clients se rendent aujourd’hui compte, progressivement , que cette solution a du sens. Mais la formation à distance ne remplacera pas l’existant. Elle représente un additif plutôt qu’un substitut.Certaines entreprises se plaignent aussi des contenus peu adaptés proposés par les éditeurs…Dans tous les systèmes de formation à distance, il faut complètement déstructurer et rescénariser les contenus, qui ont été le plus souvent conçus pour des versions de formation traditionnelle. Transformer une journée de cours classique en un système scénarisé coûte environ 23 000 euros (150 000 francs). Cela représente donc des sommes considérables. En ce qui concerne la Cegos, les 650 stages interentreprises que nous proposons vont, progressivement, être adaptés pour que tout ou partie puisse être envoyé à distance. Mais ce travail de production est aussi long que l’adaptation d’un livre en film. Dorénavant, Cegos-e-learning conçoit, dès le départ, des supports pédagogiques basés sur des logiques d’e-learning.Quel positionnement adoptez-vous face à vos nouveaux concurrents ?Toutes ces évolutions ont complètement changé les compétences d’une entreprise de formation. Le marché a attiré deux types de nouveaux entrants : les apprentis sorciers et les barbares. Pour la première catégorie, il s’agit d’acteurs provisoirement dangereux, dont l’offre n’a pas de valeur ajoutée pédagogique. Ils disparaîtront aussi vite qu’ils sont arrivés. Et puis il y a les barbares. Ce sont des gens sérieux qui viennent d’autres métiers, qui ont des moyens financiers et qui peuvent éventuellement acquérir des compétences pédagogiques. Ce sont de vrais compétiteurs. Pour jouer sur ce terrain, nous trouvons des associés. Nous avons conclu un partenariat avec la SSII Thalès Information Systems pour répondre aux appels d’offres importants. On crée ainsi une double compétence en système d’information et en ingénierie pédagogique. Mais la Cegos n’a pas le projet d’acquérir une SSII, ni de se faire acheter par une SSII.Le ralentissement économique ne risque-t-il pas de freiner les rares projets e-learning qui existent ?Il est un peu tôt pour le dire. Mais je crois qu’il est possible que de très grands projets soient effectivement un peu retardés.
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