Guillaume fait partie des milliers d’internautes avertis par la Hadopi* depuis le mois d’octobre 2010. Ce jeune homme de 28 ans, webdesigner de profession, est accusé d’avoir téléchargé au mois de mars 2011 des œuvres protégées par le droit d’auteur. Vingt jours après la constatation des faits, la commission (CPD) de la protection des droits de l’autorité a adressé une première recommandation à sa compagne, titulaire de la ligne téléphonique du foyer. Guillaume confie à 01net. ses sentiments après ce premier avertissement et explique pourquoi il va continuer à pirater.
01net. : Quelle a été votre réaction lorsque vous avez reçu ce courrier électronique ?
Guillaume : Ç’a été une grosse surprise. J’ai d’abord eu très peur, parce que je pensais que j’allais être sanctionné tout de suite, que mon accès à Internet allait être coupé. Puis, je me suis renseigné. J’ai vérifié que ce n’était pas un « fake ». On m’avait dit que beaucoup de faux courriers tournaient sur Internet. Ensuite, j’ai cherché à savoir ce que je risquais. Là, j’ai vu qu’il n’y avait pas de coupure avant trois avertissements. J’ai été immédiatement soulagé. Je ne me vois pas vivre sans accès à Internet aujourd’hui !
Comment a réagi votre amie, à qui était adressé ce courrier en tant que titulaire de la ligne ?
C’est tombé le jour de son anniversaire ! Elle m’a transféré l’e-mail avec quelques points d’exclamation, genre « Qu’est ce que ça veut dire ? ». D’autant plus qu’elle, elle ne télécharge rien. Elle a d’abord pensé que c’était une erreur en voyant que l’infraction notée sur le courrier avait été constatée un matin un peu après 8 heures, alors qu’il n’y avait personne chez nous. Je lui ai expliqué que je laissais tourner l’ordinateur dans la journée pour récupérer des films le soir.
Vous êtes donc un habitué du téléchargement sur les réseaux de P2P ? Vous saviez que c’était illégal ?
Oui, bien sûr. Comme tous les gens qui téléchargent autour de moi, d’ailleurs. Mais je ne suis pas un acharné du téléchargement. Cela m’arrive une fois par mois, voire moins. Je récupère à chaque fois une dizaine de films, très rarement de la musique. Sur Azureus [réseau P2P reposant sur le protocole BitTorrent, NDLR], il me fallait 2 à 3 heures pour télécharger un long métrage.
« Repasser sur Azureus, ç’a été mon erreur »
Les menaces de la Hadopi ne vous avaient donc pas dissuadé de télécharger ?
Au début, lorsqu’on a commencé à parler de la Hadopi, je me suis méfié. J’avais très peur de perdre mon accès à Internet si je me faisais prendre. Alors j’ai laissé tomber le P2P et je suis passé sur Megaupload. Mais, avec le temps, on oublie le risque, on se dit qu’on ne peut pas se faire prendre, que ça n’arrive qu’aux autres… Et puis j’étais lassé de Megaupload et de ses pubs. C’est plus compliqué de trouver ce qu’on cherche. Et quand on trouve, on tombe bien souvent sur un lien mort. Il faut recommencer… C’est décourageant ! Alors je suis repassé sur Azureus. Ç’a été mon erreur.
« Il y a trois avertissements avant la sanction. J’ai de la marge. »
Et maintenant, qu’allez-vous faire ? Arrêter le piratage ?
J’ai promis à mon amie que j’allais arrêter le P2P, mais je ne vais pas tout laisser tomber pour autant. Il y a toujours Megaupload pour faire les choses plus discrètement. Je ne suis pas prêt à renoncer au téléchargement et à la possibilité de regarder tous les films que j’ai envie de voir. Depuis que j’ai un accès à haut débit, j’ai toujours téléchargé plus ou moins régulièrement. C’est pareil pour les gens dans mon entourage. Je ne vois pas pourquoi, moi, je devrais m’en passer. C’est quelque chose de pratique à quoi on est tous habitués. Je sais maintenant que je dois faire plus attention. J’ai reçu un premier avertissement, mais il y en a trois avant la sanction. J’ai encore de la marge.
Le discours de l’industrie sur les risques d’appauvrissement de la création, faute de financement, ne vous fait pas culpabiliser ?
Non, parce que je reste un bon client pour le cinéma. Je suis un gros acheteur de Blu-ray, j’en prends au moins deux par mois. Quand un film me plaît, j’aime bien le revoir et le posséder en Blu-ray. C’est le cas d’Inception, que j’ai acheté sans même le télécharger en P2P. Il m’arrive aussi de louer des films en VOD, même si c’est très occasionnel. J’ai regardé Lost en VOD, par exemple. Et puis je crois que le fait d’accéder à un contenu très riche me pousse à découvrir d’autres choses et, au bout du compte, à consommer davantage.
Que manque-t-il aux offres légales pour vous détourner du piratage ?
Aujourd’hui, si je devais acheter tous les films que je regarde, ça me coûterait une fortune ! Ce qui me gêne aussi dans les services de téléchargement, c’est de ne pas pouvoir disposer des films en France, alors qu’ils sont sortis à l’étranger. Parfois, un titre sort en salles alors qu’il est déjà disponible en DVD aux Etats-Unis. Alors, évidemment, on se tourne vers le piratage. La recette miracle, pour moi, c’est une formule de téléchargement illimité. Je suis prêt à payer 20 euros par mois, par exemple, pour accéder à un catalogue très riche.
* Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet.
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