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J’ai passé dix minutes dans une chambre anéchoïque et mon cerveau n’a rien compris

Dédiées aux mesures sonores, les chambres anéchoïques sont certainement les pièces les plus étranges du monde : on y entend aucun bruit extérieur. J’ai pu y passer dix minutes pendant lesquels mon cerveau n’en est pas sorti indemne.

Nous avons tous essayé de nous isoler à un moment ou un autre des bruits de notre environnement. Parmi les moyens pour y parvenir, beaucoup ont déjà expérimenté l’impression étrange que procurent un casque audio à annulation de bruit ou des boules d’une marque pas si fameuse. Mais il existe un niveau ultime d’isolation face au bruit : la chambre anéchoïque.

Les parois de ce genre de pièces très spéciales – parfois surnommée « chambres sourdes » – sont recouvertes de dièdres, des découpes aux formes régulières, le plus souvent en mousse. Les deux idées principales d’un tel endroit sont d’isoler l’intérieur de la pièce des sons extérieurs et d’empêcher tout écho en son sein. Elles sont le plus souvent utilisées pour tester micros, haut-parleurs et autres enceintes sans qu’aucune perturbation ne viennent fausser les mesures.

Un cube de six mètres sur six

C’est à l’invitation du fabricant d’enceintes Wi-Fi Sonos que j’ai pu me rendre dans leur chambre anéchoïque située au sein de leurs locaux de Boston (Massachusetts).
Par curiosité, j’ai demandé à rester seul durant dix minutes dans cette immense pièce assez impressionnante. Et mon cerveau a eu du mal à comprendre ce qu’il s’y passait.

01net.com – Les dièdres empêchent tout écho dans la pièce.

Dès que l’on y entre, on est tout d’abord impressionné par la taille du lieu. « Nous sommes en fait dans un cube de six mètres de côté », m’explique au moment d’y entrer Hilmar Lehnert, le directeur de l’ingénierie audio de Sonos. « Mais là vous ne pouvez voir qu’une moitié du cube car il est séparé en deux par un filet qui sert de sol », continue-t-il.

Une première impression de paysage enneigé

En effet, pour empêcher tout écho par quelque paroi que ce soit, une sorte de gigantesque trampoline est tendu au milieu de chambre. C’est sur lui qu’il faut évoluer pour se déplacer dans toute la pièce.« En fait, la chambre occupe la hauteur de deux étages dans notre bâtiment, on a dû casser un étage entier pour la faire tenir dans nos locaux. Notre directeur financier me déteste », s’esclaffe Hilmar.

01net.com – Le sol n’est qu’un immense filet. Dessous, encore trois mètres de hauteur.

Les premiers pas dans le lieu n’en sont que plus étranges. A peine j’y entre, mes oreilles saisissent que quelque chose de bizarre leur arrive. En fait, la première sensation rappelle celle que l’on éprouve au milieu de paysages enneigés, sauf que l’amortissement du son ne se fait ici par sur de la neige, mais sur les dièdres. Le tout sur un sol entièrement souple.

Claustrophobes, s’abstenir

Puis en ouvrant la bouche pour prononcer une phrase, j’ai l’impression que ma voix ne porte pas plus loin que le bout de mon nez. « Allez, je vous laisse seul pendant un petit moment », me lance alors Hilmar avant de refermer l’épaisse porte. Les choses sérieuses peuvent alors commencer. La première pensée qui me traverse l’esprit est qu’il ne vaut mieux pas être claustrophobe, la sensation d’étouffement m’assaille assez rapidement, mais la vue du gros bouton qui ouvre la porte de l’intérieur me rassure finalement.

La première chose que je remarque est que j’ai des acouphènes : j’entends ce léger “bip” hérité certainement des quelques centaines de concerts auxquels j’ai pu assister depuis mon adolescence. Puis mon cerveau gère rapidement ce son perturbateur et se concentre sur d’autres. C’est comme si mes oreilles cherchaient à entendre coûte que coûte des sons qui n’existent finalement pas. Logiquement, elles se tournent alors vers ceux produits par la seule source sonore de la pièce : mon corps.

A la découverte de mon corps

Les bruits de ma respiration semblent ainsi beaucoup plus présents qu’à l’habitude, j’entends le flux d’air passer par mes narines de manière démesurée. Puis c’est au tour des battements de mon coeur. Je ne suis pas vraiment sûr de les entendre directement, mais plutôt via la circulation sanguine qui passe près de mes oreilles.

Et puis au bout de cinq minutes, une partie insoupçonnée de mon corps s’exprime : mon ventre. C’est finalement le bruit le plus perturbant, j’entends absolument tous les sons issus de la digestion. Personne n’est habitué à l’entendre à un volume aussi élevé.

Comme dans du liquide amniotique

Je m’assois alors un instant sur le filet qui sert de sol à la chambre, je ferme les yeux. L’oscillation du filet combinée à la perception unique des bruits de mon corps semble me rappeler un souvenir plus que lointain, d’avant ma naissance. Une image me revient alors en tête, celle issue de 2001, L’Odysée de l’espace, le film de Stanley Kubrick.

La porte finit par s’ouvrir, dix minutes sont passées, je sors de la pièce, mon cerveau ne sait plus vraiment où il en est. Il me faudra autant de temps pour que je retrouve mes esprits.

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Jean-Sébastien Zanchi