Je vous préviens tout de suite vous allez être (un peu) déçu, dans cet article, il s’agit moins de go fast, de vitesse et de drogue que de BlaBlacar. Mais a priori tout y est : une BMW noire série 1, un jeune conducteur, un départ en retard et chaotique à minuit, 160 km/ heure en moyenne, 4h30 de trajet contre 6 heures annoncées sur Waze pour rejoindre la Costa brava, quelques joints au volant, plusieurs embardées sur l’autoroute, un arrêt express à la douane par les policías catalans… bref, un trajet digne de Fast and Furious 9 – après une sacrée coupe budgétaire.
Je vous rassure, je suis finalement arrivée à bon port, sans heurt et sans vomir. Saine et sauve certes, mais perplexe. Qu’est-ce qui aurait pu m’arriver si le trajet s’était mal passé ? Si on avait eu un accident ? Ou pire, si mon chauffeur avait été malintentionné ?
À l’arrivée, quatre options
Ambassadrice sur BlaBlacar depuis un peu moins de dix ans, je n’y avais naïvement jamais pensé. Pendant mes trajets en France comme à l’étranger, j’avais déjà croisé des gens un peu cinglés, connu des conducteurs à la conduite sportive et aux goûts musicaux atypiques, pourtant cette fois je me suis vraiment sentie en danger. Et je n’ai pas réussi à le dire. Une fois montée dans la voiture, mon imaginaire n’a pas chômé.
À la fin de ce trajet épique – après un grand râle sonore de soulagement, un café et une bonne douche – je me suis dit que j’avais quatre options : 1/ laisser un mauvais commentaire à visage découvert (mais je ruine son profil et sa carrière sur Blablacar) 2/ signaler le trajet, de manière anonyme (mais sans savoir ce qu’il se passera derrière) 3/ faire les deux en même temps 4/ me taire, considérant que c’était peut être un incident isolé et que de toute façon tout s’était bien terminé.
Dans la foulée, BlaBlacar m’a envoyé le traditionnel mail « Laisser un avis à B* ». Je cogite, je tergiverse, puis je me décide : je vais « seulement » signaler sa conduite, en avertissant la plate-forme – mais sans lui causer de tort publiquement. Une option permet cela : lorsque que vous notez votre trajet, il vous est possible d’évaluer la conduite à part et anonymement.
Sur BlaBlacar, la note est composée à la fois d’une note pour « l’expérience générale » déclinée de « parfait » à « à éviter », qui est nominative et s’accompagne des commentaires classiques « M. est ponctuel, arrangeant, sympathique, je recommande ! » et l’autre note se cantonne à juger la conduite « bonne », « moyenne » ou encore « mauvaise ». Les deux sont dissociables (voir image ci-dessus).
Modération « au cas par cas »
Et ensuite que se passe-t-il ? « C’est au cas par cas », me confie un porte-parole de BlaBlacar. Il m’explique que l’équipe chargée des relations clients, composée de « centaines d’humains » au travers des 22 pays dans lesquels la plate-forme est présente, étudie chaque mauvaise note ou commentaire, un par un. « Preuve qu’il n’y en a pas beaucoup », jauge-t-il.
Si le retour du ou des passagers est alarmant, le conducteur en est alors informé. Il risque, selon la gravité des faits reprochés, le nombre de mauvais commentaires, la répétition des mauvaises expériences, d’être banni de la « communauté BlaBlacar ». Sanction ultime qui vient généralement après plusieurs avertissements et échanges avec la personne suspectée.
« Pour le reste des commentaires, les “positifs”, ce sont des robots qui font le tri. Ils détectent s’il n’y a pas d’insultes ou des propos qui violeraient nos principes », explique le porte-parole de BlaBlacar. Aucune statistique concernant les commentaires, ni sur les bons, ni sur les mauvais, ne m’a été transmise.
15 millions de membres
BlaBlacar revendique 15 millions de membres – 1,5 million de personnes voyagent chaque mois via la plate-forme – et 200 % de croissance depuis 2013. « C’est grâce à la confiance que nous avons su instaurer entre passagers et conducteurs que toutes les générations se mettent aujourd’hui au covoiturage », s’est enthousiasmé Frédéric Mazzella, le fondateur de BlaBlaCar, sur le blog de la plate-forme collaborative.
Et pour constituer un « tiers de confiance » crédible, les retours d’expériences sont cruciaux. « Les avis sont les premiers remparts contre les mauvaises expériences », affirme un porte-parole de la start-up française. Ils fonctionnent sur le principe de réciprocité : il n’est possible de voir le commentaire que vous a laissé l’autre que lorsque vous en avait laissé un. Au terme de 14 jours, le commentaire de l’autre devient visible même sans réponse de votre part, mais vous ne pourrez plus « partager » votre expérience.
Résultat : en 2016, la majorité des conducteurs français (70 %) estimaient que le covoiturage les encourageait à respecter plus scrupuleusement le code de la route, selon une étude menée en interne par BlaBlacar. Et 79 % d’entre eux déclarent que cela les aide à rester pleinement éveillés.
Une confiance renforcée par des garanties objectives. BlaBlacar assure à tous les voyageurs « l’arrivée à bon port » – une assurance incluse dans le prix de chaque trajet. Par exemple, si le moteur lâche, la plate-forme garantit la prise en charge en taxi jusqu’au point d’arrivée. En cas d’accident, c’est l’assurance du conducteur qui fonctionne « de manière classique ». De manière optionnelle, BlaBlacar propose un service payant de rachat de franchise pour les chauffeurs à partir de 2 euros.
Dans mon cas, heureusement il n’y a eu besoin ni de l’un, ni de l’autre. Néanmoins, certains indicateurs auraient pu m’alerter : le profil était relativement vide, la pièce d’identité non-vérifiée, la carte grise non-fournie, et les commentaires étaient dithyrambiques mais très peu nombreux (à peine trois) contre le nombre de trajets proposés (un peu plus d’une dizaine). Des signaux qui me paraissent a posteriori plutôt clairs.
Épilogue : BlaBlacar m’a assuré avoir pris acte de mon signalement mais sans plus de détails sur la suite des événements. B* ne m’a jamais laissé de commentaire. Et je ne sais toujours pas (vous non plus) s’il transportait vraiment de l’herbe.
*Le nom a été changé.
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