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Isolé, Mozilla renonce à la bataille contre les DRM dans Firefox

Désormais intégrés aux standards du Web, les DRM s’embarquent au coeur même des navigateurs. Dernier combattant, Mozilla a annoncé renoncer à la lutte et intégrera ces verrous numériques dans Firefox.

L’année 2013 aura été l’année du tournant pour les DRM sur le Web. En mars, un groupe de travail du W3C s’attelait à faire des DRM un élément standard du HTML5 sous l’acronyme EME, pour Encrypted Media Extensions. En octobre, Tim Berners-Lee, mu par un certain pragmatisme, prenait la parole et indiquait qu’il était inévitable, si ce n’est souhaitable, d’intégrer ces technologies pour éviter que le Web ne se fractionne en de multiples sous-standards privés.

Bien évidemment la communauté et les défenseurs des libertés et des utilisateurs étaient montés au créneau, en vain.

Abandon contraint

Hier, dans un post sur son blog officiel, c’est un des derniers acteurs et combattants qui a déposé les armes. La directrice générale de la Fondation Mozilla, Mitchell Baker, a en effet annoncé que Mozilla « se trouvait dans une situation difficile ». « Nous sommes face à un choix » indique-t-elle, qu’on pourrait résumer ainsi : permettre aux utilisateurs de regarder des vidéos verrouillées par des DRM implantés par des fournisseurs de contenus et faire perdre aux utilisateurs un peu de liberté et de contrôle. Ou ne pas supporter les DRM et desservir les utilisateurs qui souhaiteraient regarder ces contenus, et éventuellement perdre ces utilisateurs. Un navigateur qui n’intégrerait pas le support de ces verrous numériques réduirait en effet les usages des Internautes.

Jusqu’à présent, explique Mitchell Baker, le problème était déporté. Les DRM s’embarquait dans Firefox via Flash, d’Adobe ou Silverlight, de Microsoft, sous la forme de plugiciels. Désormais, avec les technologies EME et CDM, les choses changent, le support des DRM est au cœur du navigateur. Pour Mozilla, cette nouvelle implémentation est aussi mauvaise que l’ancienne, elle « n’atteint pas le bon équilibre entre la protection des individus et la protection des contenus numériques ». D’autant que les fournisseurs de contenus exigent qu’une partie essentielle du code du système soit fermé. Un autre point « qui va à l’encontre des fondamentaux de Mozilla », voilà pourquoi les équipes qui développent Firefox aimerait voir adopter une autre solution.

Mozilla, seule, ne peut pas changer l’industrie

Pour autant, explique la dirigeante de la Fondation, « Mozilla seule ne peut pas changer la position de l’industrie sur les DRM », car, indique Mitchell Baker, « Google, Microsoft et Apple ont déjà implémenté ce nouveau système ». Mozilla se trouve donc dans une position où elle n’a pas le choix.

Elle implémentera cette nouvelle génération de DRM et pour ce faire a retenu la solution d’Adobe « qui a développé les relations nécessaires avec les propriétaires de contenus » et a une certaine expérience de la gestion des DRM grâce à Flash.

Un fatalisme que l’Electronic Frontier Foundation, entre autres, regrette, rappelant que les DRM « n’empêchent pas les violations » de la propriété intellectuelle et « réduisent en revanche la sécurité de nos appareils, la confiance des utilisateurs, rendent la découverte et le rapport de bugs légalement périlleux, éliminent les droits d’usage loyal (copie privée, NDLR), sapent la compétitivité, encouragent les secrets et circonviennent les standards ouverts ».

Un pis-aller

Pour limiter l’étendu des dégâts, les développeurs de Firefox ont mis en place une option et un point de contrôle. L’option permettra à chacun de choisir d’activer ou non le support des DRM. En définitive, l’utilisateur aura le dernier mot. Même s’il n’aura finalement pas plus de choix que Mozilla. Le moyen de contrôle passe par une sorte d’encapsulation open source de l’élément de code clos. « Cela nous permettra de surveiller et de mieux comprendre l’étendue des activités du codes sources clos », explique Mitchell Baker.
Là encore, l’EFF exprime son mécontentement. La Fondation Mozilla, a par le passé réussi à changer le cour de l’industrie, se place ici dans une situation où elle est à la responsable techniquement mais incapable de réellement agir.
A l’heure actuelle le planning de l’intégration des DRM dans Mozilla n’est pas encore déterminé, mais les équipes de développeurs de Firefox devraient continuer à chercher une solution alternative. Pour l’EFF non plus, le combat n’est pas fini et il est urgent de « réinjecter l’ingéniosité perdue à essayer de limiter les dégâts liés à l’introduction des DRM au cœur du Web dans une campagne positive de lutte contre les autres abus ».

A lire aussi :
Mozilla n’introduira pas de publicité dans Firefox, enfin pas tout de suite – 12/05/2014

Sources :
Post de Mozilla

EFF

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Pierre Fontaine